Star Wars : adolescence, toute-puissance et castration.

Luke Skywalker - Star Wars

Ce 18 décembre sortira sur grand écran la dernière partie de cette nouvelle trilogie de la guerre des étoiles, Star Wars, épisode IX : L’Ascension de Skywalker. Avant de retrouver Rey et Kylo Ren, jetons un regard un peu plus analytique aux deux premières trilogies de George Lucas.

Le héros aux mille et un visages

Fin 1977, le monde découvrait le premier opus de ce space opera qui deviendra une des références majeures de ce genre. Je ne vous ferai pas l’affront de vous résumer l’intrigue des aventures de la famille Skywalker et de leurs acolytes, il est cependant intéressant de rappeler qu’une des sources d’inspiration de George Lucas est l’ouvrage de Joseph Campbell sorti en 1949, Le héros aux mille et un visages.

L’auteur de ce livre explique que les récits de beaucoup de contes, histoires et films sont en fait des dérivés du même archétype de récit, le monomythe. Dans cet ouvrage incontournable, l’auteur décrit le récit universel d’un voyage qui se décompose en plusieurs étapes :

Tour d’abord, le personnage (Luke Skywalker, Harry Potter, Link etc.) est appelé à l’aventure (partance) qu’il refuse parfois avant d’y prendre part.

Ensuite, il rencontre des épreuves, (initiation) seul ou aidé par un « sidekick » (R2D2, l’âne de Shrek) ou un mentor (Obi-Wan Kenobi etc.)

Puis, il atteint son but, acquière le gain (la force, la triforce, le 7ème sens…) et une meilleure connaissance de soi.

Il retourne alors à la vie normale.

Enfin, il utilise le gain.

Et force est de constater que, lorsqu’on regarde Star Wars avec la liste des étapes de Joseph Campbell devant soi le déroulement est flagrant. Pourtant, alors que ce monomythe est exploité sans fin, de manière plus ou moins stéréotypée, notamment dans le cinéma américain, Star Wars intrigue et captive, sans doute pour des raisons plus profondes que nous allons parcourir ici.

 

L’enfant Anakin et le tout-puissant Dark Vador

Dans les deux premières trilogies de la guerre des étoiles, c’est la problématique de l’adolescence masculine qui est en jeu. Si on reprend l’histoire dans l’ordre chronologique des événements et non de la sortie des films, on se retrouve face à un jeune esclave, Anakin Skywalker. Né sans père biologique, ce personnage se présente comme une métaphore de l’immaculée conception chrétienne, il serait donc l’élu de cet univers peuplé de Jedi et de Sith. Après plusieurs péripéties, le jeune garçon alors affranchi choisit de quitter sa mère pour devenir un chevalier Jedi.

Anakin et Shmi - Star Wars
Anakin et Shmi – Star Wars

C’est donc son mentor Qui-Gon Jinn et son apprenti Obi-Wan Kenobi qui prennent la place de pères symboliques pour le jeune Anakin, pères qui manient le symbole phallique par excellence dans l’histoire du cinéma, le sabre laser. Un petit objet mais qui, quand on le prend en main, devient long et dur, et permet de tuer les autres mâles. Cependant, pour maîtriser l’objet en question, le jeune doit maîtriser la Force, version space opera de ce que la psychanalyse nomme Phallus, que ses pères symboliques possèdent.

Le jeune enfant a tendance à s’inscrire dans un sentiment de toute-puissance qui devra être castrée par la fonction paternelle. Ce sont ici les membres du conseil Jedi, dont Yoda, qui tiendront ce rôle de castration symbolique en refusant à Anakin sa formation. A l’inverse, les mentors du jeune garçon lui permettront au contraire de se fondre dans cette toute puissance et donc d’en mourir symboliquement : Anakin disparaîtra plus tard pour devenir Dark Vador, récusant par ailleurs définitivement le nom de sa mère, à défaut d’un Nom-du-Père déjà inexistant.

Avant cette transformation, le jeune adulte Anakin doit faire face à la mort de sa mère, acte qui le fait passer d’une existence dépressive à un premier épisode de décompensation psychique. Ainsi, sa fureur le fait massacrer les responsables de la mort de sa mère, toute-puissance qui sera temporairement castrée par la perte de son bras lors d’un combat.

Cependant, il déniera cette castration pour embrasser la toute-puissance du côté obscur de la force. Il élira alors l’empereur en position de père qui autorise l’accès à la toute-puissance, et devra donc tuer le père castrateur en la personne d’Obi-Wan. Anakin finira amputé et mutilé lors du combat, Obi-Wan aura donc tué son fils symbolique, mais cette mort entraînera la naissance de Dark Vador. Si l’uniforme ou l’armure donne au corps un côté phallique, l’armure de Dark Vador est la tenue phallique par excellence. En effet, tout le monde a craint le seigneur noir lors du premier visionnage de l’épisode IV de Star Wars.

Dark Vador - Star Wars
Dark Vador – Star Wars

Parallèlement à ces éléments, on peut également lire dans cette première trilogie l’élection de l’empereur en toute légalité comme une métaphore de l’élection d’Hitler en 1933. Par ailleurs, Anakin et Padmé doivent se marier pour passer à l’acte, retranscrivant une certaine morale puritaine américaine.

Le mariage d'Anakin et Padmé - Star Wars
Le mariage d’Anakin et Padmé – Star Wars

 

Œdipe contre-attaque ?

Des années plus tard, le fils d’Anakin, Luke, commence ses aventures en recevant le symbole phallique du sabre laser. Mais Obi-Wan ne lui confie pas n’importe lequel, il s’agit du sabre de son père.

Luke Skywalker et Obi-Wan Kenobi - Star Wars
Luke Skywalker et Obi-Wan Kenobi – Star Wars

Pour devenir adulte, Luke va devoir s’inscrire dans le scénario œdipien et s’opposer à son père, le père tout-puissant par excellence : il tue ceux qu’il désire sans même avoir à les toucher. Sur ce, Luke se fait castrer dans la réalité : il se fait amputer de la main qui touchait le sabre, exactement comme son père avant (malgré le fait qu’il ne le sache pas).

Après une période de latence, Luke refuse finalement de tuer son père. Ce sera alors Dark Vador qui, en se sacrifiant, mettra à mort son père symbolique, l’empereur. Anakin pour ainsi advenir de nouveau à sa place paternelle, retrouvant ainsi son identité et sa filiation, pour finalement en mourir.

Ce qui est intéressant, c’est que comme Luke n’a jamais connu sa mère, le désir incestueux œdipien ne se situe pas ici. Pourtant, ce désir est bien présent dans le film mais envers sa sœur, dont il finit finalement par se faire barrer l’accès par Han Solo.

La dimension incestueuse était présente dans la première trilogie dans la différence générationnelle entre l’enfant Anakin et la femme Padmé, déjà pubère à leur rencontre, qui reprend la relation fils/mère qu’Anakin mettra d’ailleurs explicitement en exergue (« je ne veux pas qu’il t’arrive la même chose que ma mère »).

 

Question d’héritages

Dans la nouvelle trilogie, produite par Disney, c’est une héroïne, Rey, qui est au cœur du récit. Nous aurons l’occasion d’y revenir après la sortie du dernier opus. Attardons-nous sur Kylo Ren, le fils d’Han Solo et Leia Organa, qui reprend ce questionnement de l’issue de l’adolescence masculine.

Le petit-fils d’Anakin Skywalker tient ici le rôle de l’adolescent masculin qui doit s’opposer au père pour advenir en tant qu’homme. « Tu es le père quand le père est tué » s’applique ici à la lettre. Face à son père biologique, Han Solo, Kylo semble hésiter un instant, comme tiraillé entre deux héritages contradictoires représentés par le côté obscur de son grand-père et le côté lumineux de ses parents. Il choisira finalement de tuer Han Solo avec son sabre-laser phallique.

Kylo Ren - Star Wars
Kylo Ren – Star Wars

Il se présente ensuite face à Snoke, qu’il a élu en tant que père symbolique, et choisira de l’abattre à son tour.

Rendez-vous le 18 décembre pour la fin de cette nouvelle trilogie. En attendant, que le Phallus soit avec vous !

 

Pour en savoir plus :

Site officiel : https://www.starwars.com/

STAR WARS, le mythe tu comprendras : https://www.philomag.com/les-idees/star-wars-le-mythe-tu-comprendras-12537

Paris, H. ; Stoecklin, H. 2012. Stars Wars au risque de la psychanalyse : Dark Vador, adolescent mélancolique ?, Toulouse, érès, coll « la vie devant eux ».

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