Lorsque Nintendo présenta sa nouvelle console Wii en 2006, le grand public découvrit alors ce qui fut présenté comme une « nouvelle façon de jouer » Sa Wiimote, manette sensible aux mouvements du joueur, reproduit les mouvements réels (comme le swing du golfeur par exemple), en utilisant pas ou peu de boutons. Ainsi, n’importe quelle personne peut se lancer dans une partie endiablée de tennis ou de boxe sans même se demander comment jouer. Le succès fut au rendez-vous, et un grand nombre de nouveaux joueurs furent séduits par ce média.
Cette console présente des avantages qui laissèrent à penser qu’elle pourrait être utilisée auprès de personnes à mobilité réduite ou porteurs de troubles cognitifs (de type Maladie d’Alzheimer et apparentées), comme c’est le cas pour certains résidents d’Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD, anciennement appelé maison de retraite). J’ai ainsi eu l’occasion d’expérimenter cet outil dans quasiment tous les EHPAD dans lesquels j’ai exercé.
“la découverte de cet objet technologique, très prisé par les jeunes et les adultes, favorise la rencontre intergénérationnelle…”
Premier point, la découverte de cet objet technologique, très prisé par les jeunes et les adultes, favorise la rencontre intergénérationnelle, elle peut en effet être utilisée à tous les âges. Les résidents peuvent donc évoquer leur pratique avec leur proche, voir les faire participer si l’occasion se présente. Que ne fut pas la surprise de ce jeune homme qui, venant voir son grand-père en institution, le trouva en pleine partie de Wii Sports, manette en main !
Cette console permet par ailleurs de jouer avec une seule main et, pour une partie des jeux, de jouer assis. En proposant aux joueurs des exercices physiques peu intenses, équivalent en termes d’effort à de la gymnastique douce, cet atelier favorise la condition physique et une certaine pratique physique, dans un contexte ludique. Cette médiation lutte aussi contre les altérations du schéma corporel. En cas de difficultés, le thérapeute peut accompagner le mouvement du bras du résident pour faciliter l’action.
“De plus, les exercices proposés lors de l’atelier convoquent des souvenirs procéduraux (savoir-faire) toujours intacts”
De plus, les exercices proposés lors de l’atelier convoquent des souvenirs procéduraux (savoir-faire) toujours intacts (relative à l’ancienne pratique réelle du sport virtuel en question), c’est-à-dire les gestes en eux-mêmes : revers au tennis, swing au golf etc. On peut, de plus, observer une réactivation du contexte (en mémoire épisodique, la mémoire des événements de vie) de ces gestes. Ainsi, un résident refaisait dans le vide en attendant son tour le geste du swing qu’il avait expérimenté maintes et maintes fois lorsqu’il était golfeur dans sa jeunesse. Cette médiation peut donc faire office de réminiscence-thérapie, où les souvenirs et les émotions qui y sont liées ressurgissent, y compris chez des patients parfois quasi mutiques ou apathiques.
Mieux encore, le dispositif permet chez certains patients de nouveaux apprentissages en mémoire procédurale. J’observais ainsi qu’au fil des semaines, les résidents semblaient plus familiers avec la Wiimote qu’il prenait en main rapidement, et ce même si le patient exprimait le fait de ne pas se souvenir d’avoir participé à l’atelier. De même, les résidents semblaient lancer la boule virtuelle plus aisément, voir avoir de meilleurs scores dans le jeu.
“Cet atelier favorise également la lutte contre la dépression et l’isolement en recréant du lien social.”
Cet atelier favorise également la lutte contre la dépression et l’isolement en recréant du lien social. En effet, les parties se jouent à 4 en alternance, mais la manette peut passer entre les mains de tous les résidents présents dans la pièce, permettant ainsi de créer une partie globale regroupant tous les résidents. Les résidents qui ne souhaitent pas jouer participent également à l’activité, notamment en la commentant, voire en encourageant les joueurs. D’autre part, les réussites du jeu, facilement accessibles (un strike au bowling par exemple) apportent aux patients un réétayage narcissique et une meilleure estime d’eux-mêmes. A cette occasion, certains résidents habituellement très peu expressifs ont arboré un large sourire, voir levé les mains en l’air en signe de victoire.
La Wii peut également être utilisé pour d’autres jeux tels Cérébral Académie, pensé pour stimuler la mémoire et les capacités cognitives, s’inscrivant ainsi en complément des ateliers mémoire. Le dispositif Kinect sur X-Box 360 et X-Box One permet également des activités adaptées. Enfin, plus récemment, les Thérapie par Exposition à la Réalité Virtuelle (TERV) commencent à être proposées en EHPAD.
[…] Je pense notamment aux patients présentant une maladie d’Alzheimer ou apparentée à un stade suffisamment avancé. J’ai pu expérimenter plusieurs médiations lorsque je travaillais en Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD). Ainsi, j’ai proposé à de nombreuses reprises un atelier thérapeutique danse de salon, parfois consécutif à un spectacle de danse. Cette médiation a d’ailleurs été l’objet du mémoire de mon Diplôme Universitaire. J’ai également utilisé la médiation par le jeu vidéo avec la Nintendo Wii, nous y avions consacré notre premier article sur Psycheclic. […]
[…] En 2006, c’est la Nintendo Wii qui explose les ventes : avec sa manette à détection de mouvement, le jeu vidéo n’a jamais été aussi simple et accessible : toutes les générations se retrouvent devant l’écran familial. Au lieu d’isoler les générations par une utilisation élitiste du media par les gamers, le casual gaming renforce le lien familial et social. Ainsi, un jeu comme Wii Sport a pu être joué simultanément par les jeunes enfants, les parents et, phénomène nouveau, par les grands parents. Aujourd’hui encore, en 2020, je vois le visage rayonnant des petits enfants, voir arrières petits enfants qui découvrent leurs aïeuls réalisant avec moi un strike au bowling de Wii Sport Resort au sein de la maison de retraite. […]
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