Le jeu vidéo est aujourd’hui un art, un objet de culture. Cette place a notamment été validée en France en 2006 lorsque Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre de la Culture et de la Communication, a nommé trois concepteurs de jeux vidéo chevaliers dans l’ordre des Arts et lettres.
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Le jeu vidéo, objet artistique et culturel
En tant qu’objet artistique et culturel, le jeu vidéo a notamment pris sa place au sein d’orchestre symphonique, tel l’Assassin’s Creed Symphony que nous avions vu à Paris en 2019, ou encore Lord of the Sound.
Harrison Ford aurait pu dire du jeu vidéo “sa place est dans un musée”. L’idée que des jeux vidéo puissent être exposés dans un lieu culturel tel que ce dernier aurait semblé incongrue dans les années 90, mais s’est depuis démocratisée.
Ainsi, les machines ont côtoyé les lieux de culture, par exemple en 2008 au musée des arts et métiers, ou encore au Museum of Modern Art de New York depuis 2012. On trouve également des musées entièrement dédiés aux jeux, comme entre autres la Nostalgia Box en Australie depuis 2015 ou le National Vidéo Game Museum de Nottingham.
C’est ainsi que nous avons pu visiter l’exposition Echos de l’Antiquité au Musée de l’éphèbe du Cap d’Agde, qui vient de s’achever le 5 novembre. Ce dernier présente une collection permanente de pièces issue de recherches dans le fleuve Hérault et la mer Méditerranée, dont la fameuse statue Alexandre d’Agde dit « l’Ephèbe ».
Une première rencontre avec la pop culture par le biais d’une exposition temporaire « One Piece : pirates & corsaires » avait eu lieu au musée en 2019, mettant en parallèle les œuvres du musée et le monde de l’œuvre d’Eiichirō Oda. Cette année, la licence Assassin’s Creed a été mise à l’honneur, et plus précisément, les opus Origins et Odyssey se déroulant au bord de la méditerranée, en Egypte et en Grèce antique.
La conservatrice du lieu a précisé que cette exposition avait été réalisée à l’initiative du musée, et n’avait pas de lien avec la sortie d’Assassin’s Creed Mirage.
Des concept arts au musée.
Nous avions déjà souligné les aspects historiques de la série de jeux d’Ubisoft, en livre ou encore via cette analyse historique de Valhalla. Le choix d’une série de jeux inscrite dans l’histoire favorise naturellement un dialogue entre les pièces archéologiques des collections antiques du musée et les nombreux concept arts des deux jeux exposés.
Ici, le lien est encore plus concret face aux objets réels. L’exposition est parsemée de panneaux documentant les détails historiques. En outre, deux consoles installées à l’entrée du musée permettent de découvrir ou redécouvrir les aventures méditerranéennes de Bayek, Kassandra ou Alexios.
Si la dimension culturelle du jeu vidéo est donc bien mise à l’honneur, on peut questionner sa dimension artistique par la nature même des œuvres présentées : des concept arts. Il s’agit d’illustrations graphiques généralement réalisées dans le début du processus de création du jeu. Les artistes conçoivent des supports servant à matérialiser l’idée du jeu pour la rendre visible et partageable, afin que toute l’équipe de développement puisse les transformer en matériel informatique interactif.
Sublimation par l’art.
Comme nous l’avions souligné dans l’article sur le prompt art, la sublimation est le processus artistique qui permet de transformer les éléments pulsionnels en œuvres partageables où chacun retrouve ses propres mouvements pulsionnels. Le regardant est inconsciemment touché par ce que l’artiste a déployé sur ses toiles.
Mais qu’en est-il du regard posé sur des concept arts ? Si, dans un premier temps, on ne peut que reconnaitre la dimension artistique de ces œuvres, elles relèvent parfois de plusieurs artistes, dont l’anonymat n’est discrètement levé que par l’affichage de leurs noms dans les crédits de fin du jeu. Par ailleurs, la création même des œuvres relèvent d’une demande bien encadrée : la production artistique s’inscrit en effet dans un processus de conception d’un objet vidéoludique qui, bien qu’artistique, n’en reste pas moins commercial. L’artiste n’a donc pas la possibilité de créer librement mais est bien inscrit dans une commande, il travaille avec les exigences d’une équipe et matérialise visuellement l’imaginaire d’un autre.
Nous sommes donc face à des désirs multiples rassemblés en un tableau unique, lui-même inscrit dans une série de tableaux, présentée auprès d’autres œuvres physiques.
L’expérience pourra donc être vécu différemment selon le spectateur. Certains pourront être touchés par la beauté du graphisme, d’autres par le regard nouveau que le jeu et ses illustrations apportent aux pièces du musée et inversement. Les affectifs, comme moi, se laisseront également embarquer par l’émotion des souvenirs d’épopées virtuelles retrouvées ici sous une tout autre forme.
Intégration dans un lieu de culture.
Afin de créer ce parallèle entre concept arts et pièces archéologiques, les illustrations sont intégrées au milieu de pièces d’une exposition déjà existante, et non dans des salles spécialement dédiées aux expositions temporaires. L’effet est à la fois stimulant et discret, et ne dénature pas les pièces maîtresses de l’exposition. La statue de l’éphèbe reste donc bien la pièce principal du lieu, il eut été incongrue qu’une statue de Bayek ou Alexios trône à ses côtés !
Pour conclure, une autre exposition a eu lieu à la cour Mably, lieu culturel à Bordeaux, sur Assassin’s Creed Mirage, réalisé par le studio bordelais d’Ubisoft.
Jeux vidéo, art et culture n’ont pas fini de dialoguer …
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