Geek or not to Geek ? Telle est la question

Ma rédac’ chef adorée m’a dit au lancement de Psyché Clic qu’elle avait beaucoup de mal avec le mot « geek » parce qu’aujourd’hui, il est repris beaucoup trop facilement et qu’il a perdu de son sens pour devenir un mot générique qui signifie un peu tout et n’importe quoi. Les « vrais » geek ne se reconnaissent plus en ce terme et les nombreux clichés sociaux affiliés à ce mot n’aident vraiment pas à rendre ses lettres de noblesse au concept.

Evidemment, mon amour pour les travaux universitaires liés à cette culture, mais aussi ma propre condition de jeune geek assumée me poussent à vouloir faire sauter cet embargo pour pouvoir  utiliser le terme dès que j’en ressentirais le besoin. Ce terme en question n’a pour moi aucun synonyme qui puisse suffisamment englober l’entièreté de la définition.

Cet article est donc une déclaration d’amour à cette culture et plus précisément une mise à plat de ce que veut dire l’« être geek » et de tout ce qu’implique de s’identifier comme tel socialement.

Nous ferons tout d’abord un point sur l’histoire du mot pour comprendre la difficulté que nous avons à le définir puis à s’identifier comme tel dans une société qui stigmatise cette communauté avant de conclure.

 

ET LA LUMIÈRE FUT….  L’ORIGINE DU MOT 

Dans le livre « la culture geek » de David Peyron, l’auteur nous retrace l’histoire de ce mot dont voici un bref aperçu.

Au Moyen-Âge, le Geek appartient à l’argot et désigne le coucou, un oiseau voleur. Il sert à parler de quelqu’un qui se fait avoir. On pourrait faire le lien avec notre expression française « être un pigeon ».

 

 

Toujours au Moyen-Âge, il devient en Europe, un moyen de désigner les gens considérés comme idiots par les autres.

Au XIXe siècle, le geek est un monstre de foire dont le numéro consiste à avaler tout ce qu’on lui donne à manger.

Avec les mouvements migratoires du XIXe siècle, il traverse l’Atlantique. Le Geek se retrouve dans les Freak Show des cirques aux Etats-Unis où il garde pour numéro principal de manger tout et n’importe quoi. Il reste donc cet idiot gentil et passif qui fait ce qu’on lui demande.

 

 

Dans les années 1950 et 1960, on se réapproprie le terme pour désigner les gens que nous n’arrivons pas à comprendre.

Dans les années 1960-1970, le mot « geek » apparaît sur les campus californiens et permet de désigner les personnes ayant des loisirs jugés différents. C’est l’image de l’homme, sportif, viril qu’on confronte à ceux délaissant le sport au profit d’autres activités comme les sciences, un attrait pour les nouvelles technologies, les mondes imaginaires …

La définition du mot geek que l’on connaît aujourd’hui prend son sens à cette période. Toutes ces définitions sont péjoratives et font du terme geek quelque chose de très proche de l’insulte. 

 

DE L’INSULTE À L’AUTO DÉSIGNATION 

Depuis quand on se revendique « geek » ?

C’est à partir des années 1990, que les mathématiciens et les ingénieurs commencent à employer le mot « geek » pour se revendiquer comme ayant des pratiques culturelles différentes des autres.

Son utilisation comme référent identitaire n’arrive réellement qu’avec internet dans les années 2000 et les moyens de se regrouper autour d’intérêts partagés, comme sur les forums. La commune identification de pratiques et les lieux qui se prêtent aux échanges autour de ces pratiques ont permis de donner une légitimité et une reconnaissance de ces adeptes liés par une passion commune.

La définition de « geek » n’est pas fixe puisqu’elle a évolué dans le temps et avec les pratiques qui lui sont allouées comme nous l’avons vu. Cependant, les geeks sont plus ou moins d’accord pour définir les objets de leurs pratiques et la culture geek peut se définir comme étant une culture qui comprend les mondes fantastiques et la création de ces mondes (littérature, cinéma, jeux de rôle…), et, la nouvelle technologie, l’informatique et le numérique (par la pratique et la création de nouveaux objets et programmes…).

Mais attention, car si la culture geek est l’objet des geeks, il ne suffit pas d’aimer une référence liée à cette culture pour être reconnu comme tel par ses pairs. 

Nous avons vu pour l’instant que le geek est lié communautairement par un affect particulier pour des objets de la culture geek mais aussi par un sentiment de rejet (des autres) lié à ses pratiques culturelles qui le rendrait différent.

Depuis les années 2000, les Geeks font « des listes » de ce qu’ils considèrent comme « geek » sur les forums et se rassemble autour de ces thématiques.  Ces listes pourraient ainsi permettre de répondre à la question « Geek or not to geek? » Le Geek est connu pour avoir comme caractéristique d’être pointilleux et à la recherche du moindre secret, de la moindre actualité sur son objet fétiche. Celui qui sera reconnu comme le plus geek des Geeks sera celui qui pourra impressionner tous les autres par son savoir. 

Les thématiques dites « geek » sont regroupées au sein de deux univers de pratique : d’un côté les mondes fantastiques et la création de ses mondes et de l’autre, la technologie, l’informatique et le numérique. C’est ce que l’on appelle la « Culture Geek ».

MALAISE CHEZ LES GEEKS

Notre société numérique a changé le rapport de tout le monde à cette culture puisqu’aujourd’hui nous avons tous un lien avec des objets qui en sont issus. Notre société du numérique a fait de nous tous des “geeks”, dans le sens où nous utilisons et maîtrisons nos objets technologiques du quotidien. 

Le geek a donc dû requestionner sa réalité et son fonctionnement pour mieux déterminer ce qui faisait de lui un  véritable geek et ce qui rendait légitime d’être un des sien.

Une multitude de références geek sont entrées dans la culture générale. 

Qui n’a jamais vu Star Wars, qui n’a jamais joué à Mario ?

 

L’image archaïque du geek n’existe plus que dans les esprits des détracteurs du jeu vidéo ou des plus mals informés qui n’arrivent pas à voir qu’ils ont eux-mêmes à faire constamment à la technologie, à l’informatique et au numérique.

Il existerait de nouveaux “geeks” qui seraient le résultat de notre société du numérique. Pourtant, les « vrais » s’offusquent à voir leurs univers envahis par tous parce qu’ils seraient devenus à la mode de s’identifier comme tel. Une véritable fracture identitaire s’est formée autour de la popularisation de ce mot qui rebute les puristes, réticents à être associés à ces nouvelles formes de pratiques de leurs loisirs favoris. 

Se définir sous ce terme est un moyen de s’identifier comme appartenant à un groupe par des expériences similaires face à un objet de pratique/fascination mais c’est aussi un biais de stigmatisation par les autres qui ne comprennent pas la dite pratique.

Comme nous l’avons vu avec l’histoire du mot, qui a été réapproprié dans les campus universitaires pour exclure les non sportifs ne représentant pas l’image sociale d’une masculinité revendiquée.e Geek ne serait ni un « vrai » homme (viril) ni une femme (puisque biologiquement un homme) selon les codes de la société de lors.

C’est dans cette place d’ « entre deux » que va se jouer toute une construction psychique du Geek. (idée qu’à la fac / au lycée, les jeunes se construisent et, ils se construisent avec cette stigmatisation sociale qui les poussent à agir/réagir et reproduisent ensuite eux-même des stigmatisations (cf le rapport aux femmes)).

UNE PLACE ENCORE TROP DIFFICILE À TROUVER

Entre stigmatisme, oppression et rejet, le Geek a eu du mal à trouver sa place dans la société et il a souvent préféré rester entre pairs pour partager ses passions communes : soit à travers la pratique de leurs objets de prédilection dans un groupe restreint, soit à travers une communauté plus grande par des rassemblements prévus à cet effet.

Les rassemblements geek existent depuis très longtemps. On peut notamment citer la World con de 1939 qui a vu naître les prémices du « cosplay ».

Il est important de noter que la communauté contient une multitude de sous-groupes qui s’intéressent à des thématiques parfois très variées et sans lien. On peut trouver dans la communauté  des GNistes (individus faisant du Grandeur Nature), des joueurs de jeux vidéo (dit gameurs), des rôlistes (joueurs de jeux de rôles), des otakus (individus fans d’univers mangas et japonisants) … etc. Chaque sous-groupe à ses propres rassemblements mais a des références communes qui permet de les réunir autour de ce que l’on a appelé la « culture geek ».

 

En somme, la culture geek comprend une multitude de sous-cultures avec des univers divers et variés mais réunis par un sentiment commun d’appartenance à une même culture, avec des objets de références et d’autres part par un sentiment de rejets des autres.

Psycheclic

 

Là Il y a une vraie importance de définir le geek correctement et dans son entièreté pour ne plus avoir une mauvaise utilisation de ce terme et pour rendre à cette identité une valorisation qui ne serait plus de l’ordre péjoratif, de l’étiquette sociale que le geek a depuis sa naissance. Les « vrais » geeks des années 1970-1980 qui ont grandis avec la difficulté d’en être un se sentent destitués de leur identité et ne se sentent plus appartenir à cette nouvelle définition du geek. 

Est ce que l’adage que j’entends si souvent est vrai ? 

Et si, c’était mieux avant … ?

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2 commentaires sur “Geek or not to Geek ? Telle est la question”

  1. Ping : Du sexisme chez les joueurs de jeux vidéo ? - PSYCHE CLIC

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