Ne nous y trompons pas, avec un spectacle nommé « Music is coming », le décor est planté, et si John Snow restera de l’autre côté du mur, les musiciens ukrainiens de Lord of the Sound, eux, annoncent la couleur. Ici, c’est la pop-culture qui sera à l’honneur, séries et films fantastiques mais aussi jeux vidéo, sublimés par un orchestre symphonique plus fantastique que fantaisiste.
Etrange mariage de genre, enfin de prime abord. Dans les faits, la pop-culture, domaine de prédilection de ceux qui étaient péjorativement nommés « geeks », fait désormais partie de notre paysage culturel. La culture permet le partage social, il n’y a pas de sous culture dans les faits, pourtant nous avons longtemps distingué la « vraie culture » comme la symphonie d’une culture plus populaire, comme cet environnement geek. Que ce soit le cinéma, les séries consommées sans modération sur les plateformes de vidéo ou encore les jeux vidéo, leur dimension artistique commence à être aujourd’hui reconnue.
Parmi les éléments artistiques en jeu, la musique ! Véritable écrin sensoriel qui vient sublimer les récits des acteurs ou autres personnages virtuels. Quiconque aura passé des saisons entières auprès de ses héros favoris ou à arpenter les vallées d’Azeroth (World of Warcraft) ou les couloirs de Kaer Morhen (The Witcher) témoignera aisément de l’émotion liée à la bande son de ses univers, qui vient les souligner.
Ainsi, depuis de nombreuses années, des orchestres symphoniques ont pu jouer les mélodies les plus connus de licences telles que Final Fantasy, Saint Seiya ou encore Assassin’s Creed.
La pop-culture prend donc racine dans un art à part entière ! Si on revient plus d’un siècle en arrière, le parfois controversé Sigmund Freud présentait le concept de pulsion, dont un des destins était la sublimation par l’art : le but de la pulsion est changé pour une œuvre artistique, ici, une pièce de musique. Quelque chose se joue inconsciemment pour le spectateur dans cet au-delà du langage. C’est pour cela que vous vous déplacez et payer pour aller voir un tableau, des acteurs de théâtre, des musiciens, enfin pour écouter et entendre ce que ces derniers ont à vous jouer.
La sublimation par le biais de tout ce qui touche au numérique a été d’autant plus d’actualité pendant la période de crise sanitaire, notamment pendant les périodes de confinement et de couvre-feu. Il a en effet été omniprésent : télétravail, apéro zoom, consultations psychologiques en vidéo etc. Même l’Organisation Mondiale de la Santé, qui avait défini le très controversé « trouble du jeu vidéo » est revenu sur son positionnement en incitant les gens à jouer pendant la pandémie.
Ce confinement dans un contexte mortifère de pandémie a mis la population mondiale a rude épreuve, qui a trouvé une bouffée d’oxygène en passant des centaines d’heures en tête à tête avec Netflix et autres, ou une manette en main. De plus nous avons vu les pôles se rapprocher, pôles intergénérationnels, pôles culturels. Autour d’un même objet, derrière un même écran les familles se sont retrouvées et ont échangé. La culture des anciens est devenue celle des jeunes et inversement. L’heure de gloire de la culture pop était venue et se mêlait dans nos foyers confinés à l’inespéré intérêt des plus jeunes pour les autres formes d’art et de culture.
Aujourd’hui, même si la prudence est de mise, le pire pourrait être derrière nous. J’étais assis avec des centaines d’autres personnes pour écouter un concert de musique symphonique. Certains imaginaient des humains terrorisés qui auraient continué à vivre « tout numérique » pour éviter l’infection mais non, une grande partie d’entre nous s’est retrouvée de nouveau à la rencontre de l’art et de la culture en direct, et pas par le biais du numérique non, en vrai, unis, dans un même lieu à prolonger auditivement mais surtout sensoriellement toutes ces aventures qui se rejouaient là en musique.
Pendant deux heures, nous avons pu entendre des musiciens en chair et en os nous jouer les airs les plus connus d’œuvres telles que Game of Thrones, Pirates des Caraïbes, Harry Potter, Avatar, mais aussi The Witcher, World of Warcraft et Assassin’s Creed. Comme le nombre d’œuvre était important, les musiciens ne se sont malheureusement pas trop attardés sur chacune des œuvres. Ceux qui auront passés des centaines d’heures aux côtés de Geralt de Riv (The Witcher) ou Ezio Auditore et ses comparses (Assassin’s Creed) auront comme une impression de « trop peu ».
De la même façon, si l’écran derrière l’orchestre présentait effectivement des cinématiques des jeux vidéo comme accompagnements visuels, aucun extrait de séries ou de films n’étaient de la partie. Le travail graphique pour pallier cette absence était quant à lui de qualité disons … discutable.
On ne peut en revanche pas ne pas saluer l’excellente prestation du soliste qui a repris avec brio la célèbre chanson de la Diva Plavalaguna du 5ème élément, ni nier notre plaisir devant la reprise inattendue de Misirlou. Le fan de Tarantino que je suis a grandement apprécié.
Mais quoi qu’il en soit, on ne peut que se réjouir du spectacle de la culture retrouvée qui marche à présent main dans la main avec la pop-culture.
Pour conclure, une dernière chose m’a surpris. Face à Lord of the sound, la pop-culture n’était paradoxalement quasiment pas sous le feu des objectifs des téléphones des spectateurs.
Alors que la semaine précédente, je me suis rendu avec ma chère consœur Séverine Nemesin à un concert avec de nombreux chanteurs et danseurs, une forêt d’écrans de smartphone se dressait entre les artistes et nous. Artistes donc certains avaient eux-mêmes leur smartphone en main lors du rappel. Si la technologie permet l’instantanéité et le partage, ne vient-elle pas ici partiellement gâcher ce que le spectateur vient inconsciemment chercher dans le spectacle artistique ? La question reste ouverte.
Site officiel : https://www.lordsofthesound.fr
Ping : Assassin's Creed au musée du Cap d'Agde - PSYCHE CLIC