Au milieu du salon, dans les sacs de nos enfants, dans la salle d’attente du psychologue, même dans notre lit, elle est partout ! La Nintendo Switch, véritable succès commercial, est le fruit de l’expertise de Nintendo qui, très tôt, a pris le parti de mettre le jeu vidéo au cœur des relations humaines. Revenons ensemble sur cette incroyable success story.
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Les débuts de la firme
Certaines personnes l’ignorent, mais Nintendo est une société japonaise créée à la fin du 19 ème siècle, qui produisait des cartes à jouer. Même si la firme commence sa percée dans le marché naissant du jeu vidéo dans les années 70, c’est en 1983 avec la Famicom, appelée NES dans nos contrées, que Nintendo obtient le succès. Avec des jeux plus longs que ceux que les joueurs connaissaient en arcade, imprégnés d’éléments de récits occidentaux, Nintendo créé surtout des icônes. Aujourd’hui, le personnage de Mario est connu et reconnu par tous, même par les quelques rares personnes n’ayant jamais touché de manette de leur vie. Avec leur slogan « Plus c’est intelligent plus c’est amusant », Nintendo espérait faire valider aux parents le jeu vidéo comme un loisir de qualité pour leurs enfants, la dimension familiale apparaissait déjà.
En 1989, Nintendo connait un succès phénoménal en rendant le jeu vidéo nomade. Descendant des fameux Game & Watch, jeux à cristaux liquides, le Game Boy rend le jeu vidéo visible dans l’espace social. Les publicités de l’époque ciblaient massivement la portabilité, je me souviens d’une affiche de toilettes avec le fameux slogan « Vous jouez où avec le vôtre ? », plus de 20 ans avant que ce comportement ne devienne banal avec la démocratisation du smartphone. Très longtemps avant les jeux dits cognitifs, je m’exerçais à la rotation mentale de pièces géométriques avec le célèbre Tetris dans tous les recoins de l’appartement familial.
Alors que les années 90 voient s’affronter le clan des amoureux de la Super Nintendo et ceux de la Megadrive de Sega, une nouvelle venue vient s’imposer sur le marché. Fruit d’une alliance ratée avec Nintendo, la Playstation de Sony s’impose comme la nouvelle référence dans le monde vidéoludique face à la très bonne Nintendo 64, avec un contenu volontairement plus axé sur les adolescents et adultes. Pour en savoir plus sur le succès de la console de Sony, n’hésitez pas à relire notre article.
Nintendo revient à la charge et remporte un nouveau succès avec la licence Pokemon sur le vieillissant Game Boy. Lors de son développement psychique, le jeune enfant apprend très rapidement qu’il ne peut pas tout s’approprier ni tout contrôler, il doit alors faire l’expérience du renoncement et de la frustration. Avec la collection virtuelle (« Attrapez les tous ! »), l’enfant recréé un univers cloisonné, fini, qu’il peut entièrement gérer et maîtriser. Le jeu remporte l’adhésion du public, et les enfants de la fin des années 90 réaliseront leur fantasme devenu adulte 20 ans plus tard en allant chercher des Pokemons dans la réalité (augmentée) avec Pokemon Go.
Nintendo DS et nouvelle façon de jouer
Après les modestes réussites de la Game Boy Advance et de la néanmoins excellente Gamecube, Nintendo arriva à redorer son blason en 2004, avec la Nintendo DS. Avec un design rappelant les vieux Game & Watch, la console fut le support de la démocratisation du jeu vidéo à un public beaucoup plus large, notamment grâce l’intuitivité de l’écran tactile. Ainsi, on voit apparaître, en plus de licences connues tels que Mario ou Pokemon, des jeux cognitifs, un des plus connus étant le Programme d’entraînement cérébral du docteur Kawashima (qui vient de ressortir sur Switch).
Mais également d’autres jeux qu’on pourrait aujourd’hui qualifier d’applications : pour apprendre la cuisine ou l’anglais, améliorer sa mémoire, faire du yoga ou de la gymnastique oculaire, la Nintendo DS est, avant l’heure, le support de jeu mobile pour tous, encore une fois en avance de quelques années sur les smartphones. La majorité des publicités de l’époque montrait tout autant les personnes en train de jouer, généralement trentenaires ou quadragénaires, que les images des jeux en eux-mêmes.
Nintendo Wii, grand public et intergénérationnel
En 2006, c’est la Nintendo Wii qui explose les ventes : avec sa manette à détection de mouvement, le jeu vidéo n’a jamais été aussi simple et accessible : toutes les générations se retrouvent devant l’écran familial. Au lieu d’isoler les générations par une utilisation élitiste du media par les gamers, le casual gaming renforce le lien familial et social. Ainsi, un jeu comme Wii Sport a pu être joué simultanément par les jeunes enfants, les parents et, phénomène nouveau, par les grands parents. Aujourd’hui encore, en 2020, je vois le visage rayonnant des petits enfants, voir arrières petits enfants qui découvrent leurs aïeuls réalisant avec moi un strike au bowling de Wii Sport Resort au sein de la maison de retraite.
Alors que la 3DS, successeur de la DS, est une belle réussite commerciale, la Wii U ne rencontre malheureusement pas le succès escompté, malgré la présence d’un contrôleur en forme de tablette tactile. C’est alors qu’apparait la Nintendo Switch. Introduite par des publicités très claires quant à ses différentes modalités d’utilisation, elle est la console hybride par excellente, s’adaptant aux mutations de la famille et du lien social.
Hybride comme la mutation du lien social
Console de salon lorsque branchée sur son socle, elle reprend la convivialité et la simplicité d’utilisation des détecteurs de mouvements en détachant les joycons pour jouer à plusieurs en simultané. En plus du côté familial, la dimension nostalgique du jeu vidéo, en vogue avec la mode du rétrogaming dont nous avions déjà parlé dans cet article, est au centre des campagnes publicitaires. Les parents des années 2010 sont, globalement, la première génération à avoir été joueurs. Ainsi, on voit un parent reprenant la partie de Donkey Kong Country ou New Super Mario Bros de son enfant en lui expliquant qu’il y jouait déjà alors qu’il n’était pas né. Le jeu vidéo comme support d’échange intergénérationnel, on ne pouvait rêver plus beau média vidéo ludique pour cela.
Les gamers pourront quant à eux s’adonner à leurs jeux favoris avec une manette plus classique et découvrir le vaste Zelda Breath of the Wild, ou des jeux plus adultes comme Doom, Mortal Kombat ou encore The Witcher 3, revenu sur le devant de la scène grâce à la série Netflix, comme évoqué dans notre article.
Avec l’omniprésence des écrans au sein des foyers, la Switch se décrochera de sa base pour devenir indépendante comme une tablette ou une console portable, pour laisser la télévision à ceux qui veulent la regarder, et continuer la partie ailleurs. Cependant, comme les autres écrans, veillez aux temps de consommation, comme indiqué dans notre article !
De même, avec l’omniprésence des écrans dans le lien social, la console se transporte comme un smartphone. Veuillez éteindre votre console jeune homme, votre séance de psychothérapie commence ! Mieux encore, la Switch s’invite en séance chez le psychologue et, comme n’importe quel autre jeu, fait médiation thérapeutique. Ainsi, notre psychologue Séverine Nemesin rame avec ses patients dans Super Mario Party.
Enfin, la famille a subi depuis plusieurs années de profondes mutations. Les familles se séparent et se « recomposent », je préfère parler de familles « nouvellement composées », avec son lot de gardes alternées, vêtements qui transitent entre les maisons parentales, voir grand-parentales. Face à cette transformation de notre société, et des conséquences pour les enfants (et adultes), la Nintendo Switch a une place : auprès du jeune.
Elle n’est pas la console de l’un ou l’autre foyer, elle suit les déplacements, les semaines paires, les week-ends et moitié de vacances scolaires. Le pédopsychiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott parlait d’objet transitionnel, transition entre la mère et le nourrisson. Notre société moderne en arriverait-elle à un tel délitement du lien social que ce soit un objet technologique, la Nintendo Switch, qui fasse office d’objet transitionnel numérique, suivant l’enfant moderne lors de ces nombreux changements de lieux ? Je préfère être optimiste et penser qu’elle devrait être utilisée pour rassembler les humains ensemble plutôt que de remplacer symboliquement ceux qui sont absents.
Sur ce, je m’en vais de ce pas décrocher ma Switch de son socle et expérimenter l’effet que peut avoir le Programme d’Entraînement cérébral du Dr Kawashima sur mes capacités cognitives. Retour très prochainement sur Psycheclic.