« Jeux vidéo, alcool et tabac, je dis non aux addictions ! » Sérieusement ..?

Petit décryptage du document commis par le gouvernement en partenariat avec les magazines « J’aime lire Max » et « Images doc ».

Un titre de choc ?

Déjà le titre choque.  Comment peut-on mettre sur un même plan  l’alcool, la drogue et le jeu vidéo ? Ou comment « je vais me faire un rail de coke maman » serait donc la même problématique que pourrait poser une partie de Call Of ou de FIFA entre potes? Pour ce premier point, nous allons parler de substance et d’addiction, sans substance car, si les mécaniques neurobiologiques qui la sous-tendent peuvent-être les mêmes (activation du circuit du plaisir immédiat, de la récompense, etc etc.. Vive la Dopamine), la question de la non substance nous éloigne de la réponse physiologique en lien avec l’absence de matière trouvée dans certaines addictions.

 

Autre point intéressant c’est le jeu vidéo qui poserait, selon l’amer ministère, problème, et non les écrans.  Or, la dépendance aux écrans est en elle-même bien plus importante qu’au jeu vidéo. La ludo-dépendance n’est qu’un sous-ensemble de ce qu’ont appelés les premiers donneurs d’alarme « la cyberaddiction ». Le terme est d’ailleurs de lui-même tombé en désuétude. Nous étions dépendants au clavardage, aux contenus vidéos, nous pouvions même évoquer certains cas d’infolisme, que nous renforçons aujourd’hui à grands coups de chaines d’infos en continue, et qui nourrit notre mégalomaniaque envie de tout maîtriser à l’instant T (côté richesse des contenus on est un peu tombés à côté cela dit).… Et puis oui, l’homme a toujours joué, on joue tous, les uns plus que d’autres et sur différents supports. Nos cadres dirigeants amateurs de Candy Crush sont-ils tous dépendants au jeu, à moins que ce ne soient les bonbons colorés, vieux souvenirs de soirées étudiantes obligent, qui les attirent?

Voilà donc, je ne me suis arrêtée que sur le titre de ce document à destination des enfants et déjà je m’agace du message qu’on leur envoie : « Oh le jeune, oui toi le jeune, regarde tu as dans les mains un objet vidéo-ludique ? Ouhhhh c’est mal ! Lâche ça tout de suite, recule de trois pas, junky, drogué va, espèce de futur petit délinquant en culotte courte, je t’imagine déjà dans une dizaine d’années revendre dans les cages d’escaliers de nos immeubles ou à la sortie des écoles « sous le manteau » des anciennes éditions de GTA, qui alimenteront les parties secrètes de retro-gaming quand le jeu vidéo aura complètement disparu de la surface de ta Terre pour avoir été interdit… parce que tellement trop dangereux pour ta santé, pour la société….»  Ok ceci est un fantasme que certains « dictapenseurs »  auront pu avoir dans les années 20. Non pas celles-ci, mais bien celles que nous nous apprêtons à vivre là !

Page 2 : c’est quoi ce petit livre?

Et bien c’est un petit livre qui explique à nos petites têtes blondes que tout ce qui peut lui procurer du plaisir risque de transformer son cerveau en bouillie ou le rendre fou.  C’est assez anxiogène et surtout culpabilisant (Education judéo-chrétienne au renfort, libère moi de ce mal). Mais comme le stipule l’ouvrage, tout le monde est susceptible de devenir accro. Allez, oui je l’avoue, je suis de mauvaise foi, parce que dans les faits, le sujet n’est pas trop mal traité, on y explique assez bien les mécanismes de la dépendance, ainsi que les conséquences des addictions sur les jeunes cerveaux par rapport aux dépendances futures. D’ailleurs, à ce titre , le livret peut servir de support pour une vraie conversation en famille.

L’illustration ci-dessus, combinée au texte qui l’accompagne, me gênent un peu plus car il amène un contenu sans nuance. Nous parlons des addictions certes, mais l’amalgame avec le simple usage du jeu vidéo pourrait aussi être vite fait.

La question qui se pose, ou plutôt qui ne se pose pas, est la possibilité de considérer l’addiction potentielle comme un symptôme plus qu’un diagnostic à part entière. Et si c’était parce qu’on est fatigués, stressés, que nous nous adonnions à certains comportements vidéo-ludiques. J’ai moi-même un vif intérêt à jouer à Sniper 3D entre deux patients pour me libérer de certaines pulsions contenues en séance. J’ai vu mon enfant regagner confiance en lui en jouant à LOL, et socialiser plus facilement, je vois des enfants tous les jours qui se réparent grâce au jeu vidéo, que j’utilise en thérapie. Oui, c’est vrai, parfois ça dérape, et j’ai vu pour la première fois depuis quelques mois apparaître, sur un jeu en particulier, lors d’une coupure de celui-ci (nous ne citerons pas Fortnite dont vous pourrez lire mon analyse ici) de véritables syndromes de sevrage, mais c’était la première fois !  Et même la génération de « no life » que nous étions, dans laquelle nous avons été évangélisés à l’école, parmi nous autres de cette génération perdue-là, rares sont ceux qui sont devenus de véritables accros, ratant leur vie, plus rares encore, ceux qualifiables de junkies décérébrés.

Un contenu BD pour faire comprendre l’addiction aux plus jeunes.

C’est bien, si c’est juste. Je ne dirais rien sur celles consacrées à l’alcool ou au tabac, mais je vais m’attarder sur le manque de nuance, encore une fois, de celle dédiée au jeu vidéo. Que voyons nous sur cette BD? Est-ce qu’Arthur seul fait bien ses devoirs? Non il joue dans sa chambre sur son smartphone. Et bing encore une fois, la baisse des résultats scolaires devient le baromètre d’un problème du matériel psychique de l’enfant. Et bien, peut être que l’école Arthur, il s’en fiche? Non, c’est pas envisageable cela?

Et personne ne s’interrogera sur pourquoi il ne fait pas ses devoirs, par ce que le criminel est tout indiqué : le jeu vidéo? Et bien oui, si ce petit bonhomme, aussi volontaire soit-il, est détourné de ses bons résultats scolaires, c’est qu’il joue, ce n’est pas parce qu’il est seul au moment de ses devoirs, parce qu’il a des difficultés scolaires, parce qu’il a un problème de procrastination, pas parce qu’il subit un harcèlement scolaire, pas parce qu’il ne se sent pas suffisamment confiant pour se réaliser autrement, pas parce qu’il manque d’autres activités extra-scolaires où il pourrait s’épanouir autrement, pas parce qu’il a du mal à se faire des amis et que là il s’en trouve? Bref encore une fois autant de questions auxquelles on ne va pas se fatiguer à répondre, puisque la réponse, on l’a. Puis, sincèrement, à force de considérer les tablettes, TV et autres écrans en tout genre comme des nounous 2.0, n’avons-nous pas nous même été les protagonistes de ce nouvel état de fait?

Mais un appel au bon sens et de bons conseils

Ce livret comporte tout de même quelques bons conseils, le premier étant donné aux parents de laisser la discussion ouverte avec leurs enfants autour du jeu vidéo. A quoi joue-t-il cet enfant? Pourquoi? Comment l’aider à avoir un comportement plus raisonné? Comment peut-il redevenir le chef d’orchestre de son existence?

Nous sommes d’accord, la surconsommation du jeu vidéo peut être un vrai problème, surtout quand elle envahie la sphère sociale de l’enfant à un point où il ne peut parfois plus « fonctionner » adéquatement. Il convient cependant de considérer les comportements comme autant d’autres symptômes d’autres difficultés pouvant exister avant de parler de trouble et de maladie. Pour cela, nous devons y être vigilants, resituer le jeu au bon endroit, plutôt que le bannir, le condamner comme un simple objet doté du pouvoir de rendre nos enfants fous. Comme toujours si l’enfant joue trop c’est peut-être qu’il existe une difficulté ailleurs…..

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