Amour et numérique semblaient éloignés il y a encore quelques temps de cela, et pourtant, ils semblent aujourd’hui très fréquemment liés, ce qui a contribué à une mutation de la rencontre et de la relation.
Table des matières
Amour et manque
« L’amour, c’est donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » disait Jacques Lacan dans son séminaire 12 « Problèmes cruciaux pour la psychanalyse ».
Derrière cette formule volontairement absconse se cache la question du manque. Pour la psychanalyse, l’individu est manquant, incomplet, dès qu’il a accepté alors « infans » (celui qui ne parle pas) d’entrer dans le registre du langage, d’être divisé par celui-ci.
Dans la rencontre amoureuse « classique », l’individu manquant part en quête de l’autre qu’il pense en possession de ce qu’il lui manquerait, qui le rendrait complet, entier.
Or bien entendu l’autre en face de lui ne veut pas de ce manque, puisqu’il est exactement dans la même quête pour lui-même. Cette rencontre de deux incomplétudes ne peut avoir lieu que si les deux sujets se savent manquant.
Lacan avait théorisé les quatre discours dans son séminaire 17 « l’envers de la psychanalyse ». Quel que soit le discours (maitre, universitaire, hystérique ou analyste), le sujet est toujours manquant et en quête de ce qui viendra le combler.
Mais un 5ème discours a émergé, celui du capitaliste. Contrairement aux autres discours, il nous signifie qu’un objet serait à même de nous combler totalement, de faire accéder au bonheur absolu, ce qu’en psychanalyse on appelle la jouissance : l’injonction « jouis ! » régit ainsi le sujet postmoderne.
Postmodernité
Les prémisses de la postmodernité peuvent être trouvées, selon le philosophe Dany-Robert Dufour, dans les pensées de Pascal et de Sade. Ainsi, après les différentes périodes dites de l’Antiquité, du Moyen-Age ou encore de la Renaissance, la fin du XIXème siècle vit le début de la modernité. L’avancée technologique, qui débutait, était alors vue uniquement comme un progrès pour l’humanité. Puis dans le courant du XXème siècle, après le krach de 1929, cette avancée commençait à laisser entrevoir des effets pervers, « Les temps modernes » (1936) de Charlie Chaplin pointaient du doigt la déshumanisation, l’objectalisation de l’humain induite par la technologie.
C’est en réalité avec l’horreur de la Seconde Guerre Mondiale, lors de la Shoah, qu’eut lieu le basculement dans la postmodernité : la technique fut mise au service d’une industrialisation, d’une massification et d’une déshumanisation totale, du meurtre de masse. Elle a alors servi une idéologie.
L’idéologie techno-capitaliste s’est opposée à l’idéologie communiste jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989.
Depuis, l’individu post-moderne est au cœur de la seule idéologie restante, celle du capitalisme et du consumérisme. Prônant l’individualisme, elle propose de combler le manque par un objet : ayez le dernier IPhone, et vous serez parfaitement comblé. Ayez le dernier Call of Duty, c’est là la clé du bonheur. La dernière télévision, voiture, paire de chaussures, vous pouvez remplacer ces termes par n’importe quel objet manufacturé et vendu. J’utilise parfois l’image de Scrat, l’écureuil du film d’animation L’âge de glace, pour symboliser simplement cette course à l’objet : il court en permanence pour attraper un gland bien particulier, objet de son désir, qu’il n’attrapera jamais.
Un des effets toxiques et symptomatiques de l’injonction à la jouissance se retrouve notamment dans les addictions, sujet de consultation de plus en plus fréquent en thérapie.
Et si Lacan est mort en 1981, la suite de l’avancée technologique ne l’aurait que conforté dans ses propositions théoriques.
De la rencontre du Réel du corps aux mots numériques
Si la technologie permet depuis presque 150 ans de se parler en direct via le téléphone sans être présent physiquement au même endroit, la rencontre amoureuse via la technologie est bien plus récente. Elle suit d’ailleurs la mutation du couple, qui était autrefois très souvent un engagement à vie, avec ses aspects positifs mais également négatifs.
« Quand l’écran s’allume, je tape sur mon clavier, tous les mots sans voix qu’on s’dit avec les doigts » disait Michel à Marylou. Si les moins de 20 ans ne saisissent peut-être pas la référence, c’est que le Minitel et ses services de rencontre ont émergé au début années 80 avant de tomber en désuétude dans les années 90 face au nouvellement nommé Internet.
La rencontre amoureuse est, à la base, une rencontre des Réels du corps. Si les mots jouent forcément un rôle dans la parade amoureuse des humains, c’est dans un premier temps la pulsion scopique qui est sollicitée via le regard, on voit un physique et une parure, qui s’inscrit dans une culture : le beau corps et la tenue à la mode varient considérablement entre les lieux et époques. Ensuite, d’autres éléments interviennent tels que les expressions faciales, le langage corporel, et également la réception des phéromones de l’autre, le flot de la voix, l’éventuel contact kinesthésique.
Tant de dimensions absentes de la rencontre assistée par le numérique. Pourtant, cela fait plus de 40 ans que la séduction passe aussi par des suites de mots codés en binaires, et cela aurait tendance à augmenter.
Instantanéité
Fin des années 90- début 2000 en Europe, Internet via ADSL se démocratise, avec lui la promesse d’un World Wide Web libre, partage de la connaissance et du savoir.
Un mot d’amour via Hotmail ou encore un « asv » via Caramail ou IRC font alors figures de piètres descendants des missives de George Sand ou Simone de Beauvoir. La phrase précédente peut, je le concède, sans doute paraitre obscures, les moins de 20 ans ne pouvant une nouvelle fois pas connaitre ces technologies désuètes.
Parallèlement, l’Europe découvre le téléphone portable, et avec lui la notion d’instantanéité. L’individu post-moderne connecté, régie par la tyrannie de l’immédiateté, ne supporte plus la frustration. Plus besoin de déclarer sa flamme par une lettre déposée à la Poste qui prendra des jours à recevoir une hypothétique réponse, plus besoin non plus d’attendre que l’être désirée soit assisse devant son minitel puis ordinateur pour répondre.
Ici, un SMS « sa va » envoyé par l’invincible Nokia 3310 arrive en direct. La jouissance dans un téléphone qui deviendra bientôt smartphone. L’attente inhérente à la rencontre prend une autre forme : si j’attends une réponse après un « vu », cette attente est plus teintée d’amertume que d’espérance. Pourtant, cette dimension asynchrone fait partie intégrante de la séduction et l’amour post-moderne
Interchangeabilité
Parallèlement à l’instantanéité déjà présente, la notion d’interchangeabilité de l’objet : se séparer de l’objet plutôt que de le réparer. Le discours capitaliste qui invite les gens à jouir sans entrave par des objets jetables s’étend aux humains qui deviennent eux aussi « jetables », remplaçables, « expendables » pour reprendre le terme de John Rambo dans la langue de Skakespeare. La marchandisation de l’autre, notamment de son corps. Le concept d’obsolescence programmée infecte la relation à l’autre. Les individus deviennent alors des « serial monogames », qui enchainent les relations tout au long de la vie dans la quête illusoire de la jouissance de la complétude via un autre.
2001 semble une année charnière en France. Nous découvrons la téléréalité, du voyeurisme organisé centré sur l’élimination stratégique de l’Autre. A Koh Lanta, au lieu de collaborer pour survivre, les concurrents choisissent quel camarade sera jeté pour obtenir l’ultime objet de désir, l’argent. Idem pour le Maillon faible, où l’échec d’un groupe est reporté sur une seule personne faisant office de bouc-émissaire.
Et quid de Loft Story ? Des jeunes sans talent particulier enfermés comme des rats de laboratoire pendant plus de 2 mois dans un speed dating filmé 24h /24. On est loin de la recherche de l’amour proposée par le concept. Même logique, l’élimination des coéquipiers : l’autre est interchangeable, certains candidats « jetés » eurent d’ailleurs beaucoup de mal à se remettre de cette expérience.
De l’algorithme à l’amour
Également en 2001 arrive une commercialisation de la rencontre amoureuse avec Meetic. Le célibataire est à la fois marchandise et client, en concurrence avec les autres : le site de rencontre voyait le jour, descendant numérique de l’agence matrimonial. L’idée est simple : contre une somme d’argent versée mensuellement, mettre en relation des personnes célibataires en les catégorisant.
Un progrès révolutionnaire pour avoir accès à plus de personnes que celles habituellement rencontrées dans le rayon amical, professionnel ou à la soirée dansante du coin.
Mais l’individu devient alors un produit qui présente des caractéristiques : un âge, une taille, un poids etc. Et la rencontre amoureuse, loin des phéromones et des regards croisés, commence par un algorithme d’appariement, suivi d’un slide. Le geste de jouissance par excellence : à babord, je rejette ta personne, à tribord, tu es un objet potentiel de mon désir, à condition qu’il y ait le « match » retour.
La Docteure en histoire contemporaine, post doctorante à l’INED, Claire-Lise Gaillard déclare que « les algorithmes [des sites de rencontres] sont construits sur des codes sociaux, sur des stéréotypes de genre dont certains ont été construits près de deux siècles auparavant.», qu’ils continuent donc de propager.
Le site « adopte un mec » (depuis renommé adopte) jouait littéralement avec la métaphore mercantile où les hommes étaient les objets dans le caddie des femmes. D’autres se sont spécialisés dans des genres différents, rentrant une fois de plus la rencontre amoureuse dans un signifiant arrêté : selon le métier, le parti politique (oui oui), l’origine ethnique, les pratiques sexuelles etc.
S’en suit un échange de mots sur un clavier par des doigts humains. En tout cas, pour le moment. Mais l’intelligence artificielle IA, qui peut déjà faire des images ou des textes sur mesure, vient mettre son grain de sel dans la rencontre amoureuse.
Ainsi, la fondatrice de Bumble affirmait que bientôt, des chatbots dopés à ChatGPT & co viendront « draguer à votre place » sur les sites de rencontres, tel un cyber-Cyrano écrivant pour Christian-payeur. Ce scénario a d’ailleurs déjà été vu dans la série Black Mirror, qui devient de plus en plus réelle : c’est déjà le cas pour l’application Cupidbot par exemple.
Vient ensuite la rencontre réelle, là où le numérique ne peut (pour le moment ?) plus grand-chose pour le duo. Rencontre ? Certes, mais l’abondance de choix de célibataires dans une zone géographique peut changer les règles du jeu : j’ai le droit de jouir de mon objet « partenaire idéale » qui me complétera, puisque c’est ce qui m’est vendu dans l’abonnement. Si tel n’est pas le cas, je peux interchanger la candidate contre une autre, voir la conjointe contre une autre, ou une supplémentaire. Après tout, un nombre non négligeable d’inscrits sur ces sites sont des personnes en couples en quête de rencontre extra-conjugales.
Aujourd’hui, beaucoup de patients rapportent utiliser des applications comme Tinder ou Grindr, Badoo, Bumble ou Fruitz, et j’en oublie sans doute certains. Si l’utilisation d’un site de rencontre était quelque peu taboue ou honteuse lors de la sortie de Meetic, elle est devenue aujourd’hui tout à fait dans la norme. Les personnes plus introverties peuvent s’y sentir plus à l’aise, et cela a été notamment salvateur pendant les périodes de confinement. Au point qu’aujourd’hui, certaines personnes s’étonnent lorsqu’ils découvrent que « vous vous êtes rencontrés dans la vraie vie, pas sur une appli ? » En 2023, 38% de la population française déclare y avoir déjà eu recours.
Smartphones pour dumb-humans ?
En effet, à l’avènement de Facebook en 2004 (2008 en français), les rapports humains entrent dans une nouvelle ère, les Réseaux Sociaux. Descendant des blogs, ils sont propulsés par l’arrivée de l’objet ultime du désir en 2007, le smartphone. En plus d’avoir accès à l’autre en permanence, le monolithe numérique est un accès immédiat au savoir, à la culture, aux loisirs. Depuis cette époque, de plus en plus de bipèdes hyperstimulés finissent recourbés et aliénés à leurs « black mirrors », à « caresser des vitres » pour reprendre l’écrivain Alain Damasio.
Le terme « like » qui se différencie de « love » en anglais, n’a pas cette distinction dans notre langue : « j’aime » apparait sur les réseaux, le signifiant même de l’amour travesti en un banal « ouais pas mal ».
De la même façon, le terme « ami » est complètement galvaudé et phagocyté pour signifier une « connaissance ». A moins qu’au contraire, il ne corresponde désormais à ce que les Meta (Facebook), X (Twitter) et consorts en ont fait devenir : les personnes amies sont des objets, entre autres numériques, que je peux jeter et bloquer du jour au lendemain, tout comme les relations amoureuses.
Jetable
Le ghosting, en avez-vous fait les frais ? Ou l’avez-vous fait subir à quelqu’un ? Le fait de faire disparaitre quelqu’un de son univers et inversement brutalement, du jour au lendemain par le biais du numérique. Plus de son, plus d’image. Particulièrement violent pour la victime, il réduit l’humain pris dans la chaine signifiante à un objet inanimé. Je n’ai pas besoin de justifier à ma voiture pourquoi je la jette pour en prendre une autre. Idem pour ma nouvelle compagne, ou un ami ?
Après la colère et/ ou la tristesse, les conséquences peuvent être notamment une baisse de l’estime de soi, et un manque de confiance en l’autre, notamment dans le partenaire amoureux.
Interchangeabilité, ghosting, réduction du lien social, la solitude serait-elle le corolaire de cette mutation sociétale qui donne pourtant accès à tout ?
Fuir l’humain
On constate depuis un moment des cas d’humains qui pensent sincèrement être amoureux d’un avatar ou d’une machine, d’une IA, nous l’avions déjà évoqué dans notre article sur ChatGPT. On peut notamment penser à la série de jeu de séduction Love Plus sur Nintendo DS et 3DS, ou encore ce cas de mariage d’un japonais de 35 ans avec une chanteuse virtuelle
J’ai employé le terme « sincèrement » à juste titre : ces personnes ressentent probablement quelque chose ressemblant à un sentiment amoureux mais, telles que les émotions qui traversent tout un chacun lors d’une rencontre réelle, il ne s’agit que d’émotions suscitées par une relation fantasmée. La relation se définit comme de plus en plus réelle au fil du temps, et ainsi l’émotion du début peut faire place à de l’amour … ou pas. Or la relation avec la machine, même si elle est virtuellement bien présente, ne sera jamais réelle à cause l’absence de conscience et de corps réel. Il n’y a ici aucune demande de l’Autre, aucune réciprocité, la relation est à sens unique : l’utilisateur reçoit mais ne donne rien à l’IA, hormis éventuellement de l’argent mensuellement.
On peut également penser au film « Her » de Spike Jonze. Dans un futur proche, Theodore tombe amoureux de son IA, incarnée à l’écran par la voix de Scarlett Johannson. Notre ami Jérémie Gallen de la chaine « Va te faire suivre » en a fait une critique récemment.
De l’adolescence
Parallèlement, les adolescents trouvent « l’amour » via les réseaux sociaux, véritable « meetic-like » déguisés. On ne demande plus le « 06 » mais le « snap ». Amour entre guillemets, je remarque en effet depuis longtemps que le terme « aimer » est souvent étrangement utilisé par une partie des jeunes, en tout cas ce que j’ai reçu en consultation cette dernière décennie.
Là où certains adultes confondent l’amour avec la passion du début de relation, où les émotions flambent et ont quelque peu tendance à couper l’accès à l’intelligence corticale, les jeunes confondent « je l’aime » avec « elle me plait ». Ils entrent donc souvent dans la vie amoureuse avec l’idée que l’objet d’amour est interchangeable et que l’amour est éphémère.
Pourtant, contrairement à ce qu’on peut imaginer, l’accès à la sexualité n’est pas particulièrement plus précoce qu’il ne l’était les décennies précédentes. Parfois même, on note l’inverse. Il m’arrive fréquemment en consultation d’entendre un jeune m’indiquer qu’il est/ était « en couple », mais quand je leur demande de définir le couple, les réponses sont très variées : parfois, il s’agit d’être ensemble, de se tenir la main, mais sans même s’être embrassés.
A l’instar des adultes, les relations sexualisées ne définissent pas forcément un couple. Par ailleurs, certains se définissent en couple sans s’être rencontrés car étant engagés dans une relation uniquement virtuelle, version post-moderne de la relation épistolaire. Le point commun à ces énoncés : le couple existe par le signifiant, l’énoncé est ici performatif, là où pour les générations précédentes, un acte (s’embrasser, une bague de fiançailles etc.) créait le couple.
Crush et stalking
Autre concept très adolescentaire, le « crush ». Descendant un flirt ou du béguin, il n’en est pas pour autant identique selon la sociologue Christine Detrez qui a un écrit un ouvrage sur le sujet. L’auteure indique que le flirt est apparu à la fin du 19ème, pour se démocratiser dans les années 60, mis en avant par la culture, notamment le cinéma. C’est un jeu qui ne doit, en théorie, pas aller « trop loin » : ni amour ni sexualité. Le but étant alors toujours le mariage. Pour elle le flirt serait spécifique au 20ème siècle, comme le marivaudage l’a été au 18ème et l’amour courtois au 19ème.
Et pour le 21ème siècle, on parlerait donc de crush, et d’amour virtuel ? L’auteure le qualifie même de « pratique culturelle » liée à l’adolescence, notamment aux adolescentEs. Les discussions et réseaux sociaux l’aliment, voire le créé.
Ce qui caractérise le crush, c’est d’une part sa brièveté, ce qui colle avec les notions d’instantanéité et d’interchangeabilité de l’objet amoureux. D’autre part, sa dimension secrète. On parle de crush dans les cours du collège ou du lycée entre personnes de confiance, mais le crush en question n’est pas nécessairement au courant.
Avec les réseaux sociaux, on peut également « stalker » le crush, pour conjuguer en français un mot anglais, désolé pour les allergiques aux anglicismes. Le stalking, c’est le fait de pouvoir espionner l’autre via les outils numériques. A la base via Google, plus récemment via ses comptes Facebook, Instagram & co, plus besoin de détective privé. L’objet d’amour est un objet comme un autre : tout comme je regarde les caractéristiques et les avis du prochain aspirateur que je vais acheter sur Amazon, je vais chercher des infos publiques sur mon crush pour voir si le dit-crush peut se faire partenaire de romance.
L’effet pervers, outre le fait qu’il puisse encourager une idéalisation excessive, voir une obsession pour la personne visée, c’est en cas de refus ou de rupture.
Doit-on rester « ami » avec son ex via les réseaux sociaux ? Mon expérience clinique aurait tendance à dire que non. Le deuil de la relation amoureuse est bel et bien un deuil, et le fait d’aller, volontairement ou non, voir des images et avoir des informations sur la nouvelle vie de l’ex-conjoint, montrée via les algorithmes comme étant géniale, ne peut qu’entraver le processus de deuil. La fonction « bloquer » qui peut être violente dans le cas du ghosting peut ici être plutôt utile pour aider à aller de l’avant.
Conclusion
L’exposé qui s’achève peut paraitre pessimiste. De la relation amoureuse imparfaite des siècles précédents, une nouvelle réalité autrement imparfaite se dessine pour les couples et les amoureux. Le numérique offre un accès impensable à la culture, au savoir, à l’art, au divertissement et à la relation à l’autre. Il impacte massivement nos vies, et cela va continuer avec la démocratisation de l’IA. Aucun retour arrière ne semble possible et ne serait d’ailleurs souhaitable.
L’objectif étant ici d’avoir des éléments pour penser les mutations de la subjectivité notamment via la numérique, afin d’asseoir son positionnement en conscience, et d’en tirer le meilleur en évitant autant que faire se peut les effets délétères.
Mais ces nouveaux symptômes post moderne se retrouvent dans le corps de nos patients. Or, la rencontre clinique remet du Réel du corps, entre celui du patient et du thérapeute. Le temps des séances, l’élaboration n’est plus accaparée par ces objets.
Nous reviendrons dans un prochain article sur l’impact du numérique dans la sexualité.
A lire également
Robert Dufour Dany – La cité perverse – Denoël, 2009
Christine Detrez – Crush, fragments du nouveau discours amoureux, Flammarion, 2024