La Psychologie des Vilains du Cinéma

La psychologie des méchants

« Meilleur est le méchant, meilleur est le film » Alfred Hitchcock 

Je ne sais pas vous, mais pour ma part, je partage totalement cette citation de Alfred Hitchcock. Après, ce n’est pas comme s’il n’y connaissait rien, n’est-ce pas ? Soyons honnête : Star Wars, James Bond, Harry Potter, Batman, Le silence des agneaux, Terminator, Alien, Le seigneur des anneaux, Seven, Ça, Shining, Piège de cristal… Si ces films et sagas sont passés à la postérité, c’est bien grâce à leurs vilains ! Sans ces derniers, les films manqueraient de texture et de saveur. Et cela est de mieux en mieux, depuis que le cinéma a cessé de nous servir des personnages binaires : Le gentil est insupportable tellement il dégouline la bienveillance et la niaiserie et le méchant, cet horrible félon, ce sournois coquin, que dis-je ? Ce diabolique sacripant, n’avait d’autre trait de personnalité que sa vilenie !

 

Le méchant aux mille et une facettes

Aujourd’hui, nos méchants sont profonds, multi-facettes et leurs histoires font raisonner notre empathie ! Prenons l’exemple d’un de mes personnages préférés de tous les temps : Darth Vader (Dark Vador en français). Une trilogie scindée en deux. Première partie, il est méchant. Point à la ligne. Seconde partie, « Non Luke. Je suis ton père » ! Tout bascule à la fin de ce second opus. Ce grand méchant nous lâche une bombe à quelques minutes de la fin ! Que se passe-t-il ? Où ? Quand ? Pourquoi ? Comment ? Le spectateur découvre alors le potentiel de ce personnage à qui il suspecte une tout autre histoire. Et le dernier volet de la saga pour asseoir cette vie, cette profondeur et les motivations de ce personnage.

Dark Vador - Star Wars
Dark Vador – Star Wars

Là, le vilain devient un individu à qui on peut s’identifier, que l’on pourrait presque comprendre et surtout, qui nous rappelle nos propres pulsions avant que nous ne les réfrénions.

 

Interdit et refoulement

Car oui, n’en déplaise à beaucoup qui se convainquent qu’ils ne sont que fourrés aux émotions et pensées positives et saintes, nous avons toutes et tous en nous cette colère, cette agressivité, cette violence, ces pulsions que notre éducation et notre société nous font refouler. Mais, nous le savons très bien, au détour d’une contrariété ou d’une frustration, que nous pouvons ressentir et élaborer des choses similaires aux antagonistes de nos héros. Dans nos pensées secrètes nous le savons très bien et dans nos rêves encore plus ! Il n’est pas rare que dans notre sommeil nous accomplissions des actes qui amuseraient Hannibal Lecter ou rendraient fier le Joker ! Cela fait partie de notre humanité.

Ces vilains que nous redoutons parfois, qui nous dégoutent par moment, qui peuvent bien évidemment nous faire peur, nous fascinent pourtant pour une simple et bonne raison : ils osent acter ce que nous, dans nos névroses communes, ne pourrions qu’effleurer de l’esprit.

Si, comme moi, vous êtes un petit ange innocent, qui ne pense et ne fait que le bien autour de lui, votre psychologie n’est pas « câblée » pour s’autoriser ce que ces personnages de cinéma s’autorisent. C’est bien de cela dont il s’agit : s’autoriser ou s’interdire. C’est la question même du mythe freudien « Totem et Tabou » .[1]

Dans cette hypothèse, le père de la psychanalyse aborde les interdits culturels et sociaux sous l’angle d’une horde primitive où le patriarche, omnipotent, aurait accès à tous les droits et toutes les femmes. Un homme sans limite. De là, les fils, ressentant trop de frustration et d’envie envers cet être, tuent le père afin de s’approprier ses privilèges, dont les femmes du groupe. Selon l’hypothèse de Freud, cet acte aurait fait naître de la culpabilité chez les fils et ceux-ci auraient donc instauré les premiers interdits (inceste, meurtre, etc.).

Ainsi, grâce aux lois et interdits, la horde pourrait vivre dans davantage d’équité. Le totem (représentation de ce père) est alors un rappel symbolique du tabou de nos pulsions et désirs interdits. Car grâce à leur refoulement, les êtres humains peuvent « savoir » qu’ils ont des désirs inavoués, mais gardent ce savoir hors de leur conscience. Cela évite bien des conflits et sentiments de culpabilité.

La représentation d’un être monstrueux au cinéma nous permet de constater ces pulsions tout en les maintenant à distance. Ces êtres fictifs nous fascinent car ils ne semblent pas frappés de l’interdit que nous, nous avons intégré. Eux, restent libres d’agir selon leurs pulsions… Et ça, ça nous séduit, car nous passons notre temps à nous couper d’un certain nombre de désirs personnels au profit du social.

 

Le vilain et (est ?) notre part d’ombre

Le vilain de film, lui, dans sa profonde liberté, nous rappelle ce qui est enfoui en nous et nous soumet l’idée qu’il est possible d’assouvir toutes nos tentations. Que nous pourrions tout autant goûter au fruit défendu que lui ! À ceci près que non. En dehors de quelques cas extrêmes (guerres, crises, situations de danger immédiat), nos structures psychiques nous l’interdisent. Tout du moins chez le « bon névrosé de base ». Il en est de même pour la fascination que nous constatons pour les grands dictateurs, les tueurs en série et autres personnages que nous cherchons à comprendre depuis tous types de médias. Leurs agissements relèvent de l’impensable, de l’impossible pour nous. De nos dénis et refoulements.

Pourtant… nous avons tous au fond de nous un peu de chacun de ces personnages. En opérant une petite introspection, on trouvera toujours une part de Thanos, de Catherine Tramell, de Joker, de Terence Fletcher, d’Annie Wilkes ou autre en nous. Nous avons toutes et tous cette capacité à agir d’une façon où l’on se dit : « ce n’est pas moi, je ne sais pas ce qui m’a pris » ou encore « c’était plus fort que moi »…

Joker
Joker

« Le Moi n’est pas maître en sa demeure », comme disait encore ce bon vieux Freud… Mais bel et bien le Ça ! Cette instance inconsciente sans foi ni loi qui n’est que notre siège pulsionnel et archaïque. Notre part d’ombre est là. Même si nous faisons de notre mieux pour la garder cachée en société et face à nous-même, cette facette de notre personnalité existe.

 

Portrait-robot d’un méchant

Mais après avoir écrit La psychologie des méchants, j’ai pu comprendre une chose importante : n’est pas méchant qui veut ! Ce n’est vraiment pas donné à n’importe qui.

Les traits de méchancetés ne sont pas suffisants. Non. Ce sont bel et bien les manifestations structurelles et psychologiques qui font un véritable être malveillant et malfaisant. Avec l’étude de ces méchants du cinéma, je peux ainsi tirer un portrait-robot du méchant convaincant et attachant d’un film.

On retrouvera à plusieurs reprises des souffrances dans l’histoire des personnages. Des souffrances ayant créé des traumatismes ou des blessures dont les traces encore visibles continuent de tirer les ficelles en arrière-plan sur les pensées et donc les actes. Aucun méchant intéressant n’était stupide. Ils ont tous de très bonnes compétences cognitives. Beaucoup ont une diminution ou une absence d’affects, peu de sentiments autres que la colère qu’ils peuvent au contraire, ressentir à outrance. Ils peuvent parfois se montrer délirants et se montrent très fréquemment manipulateurs ! Autre stéréotype qui se dégage : le narcissisme. Le manque d’empathie et l’égoïsme sont également très représentés. Régulièrement, ce sont des personnages qui vivent également une exclusion sociale. Et enfin, un vrai vilain doit prendre autrui pour un objet et ne privilégier que ses objectifs personnels.

 

Un livre ouvert

Donc vous l’aurez compris, si vous aimez le cinéma, si vous aimez la psychologie, si vous aimez la psychologie des plus grands monstres, des plus grands tueurs et des personnages les plus fous de nos films préférés… Je ne peux que vous conseiller de lire La psychologie des méchants, un excellent livre écrit par un jeune auteur de talent et dont la plume n’a d’égale que sa modestie !

Et je ne traite pas uniquement des méchants du cinéma dans ce livre, j’intercale les analyses de personnages avec des chapitres qui cherchent à répondre à des questions que nous nous posons tous sur la psychologie et la méchanceté :

– Peut-on devenir psychopathe (du jour au lendemain…)?

– Est-ce qu’avoir une maladie mentale rend violent et dangereux ?

– ça analyse quoi un psy au juste ?

– Pourquoi Le « Pervers Narcissique » est le Grand Méchant Loup de notre société contemporaine… – « Tel père, tel fils»? Est-ce que la méchanceté « C’est de famille »?

– Pourquoi se faire peur avec des méchants ? Que dit la psychologie de ce besoin compulsif à se faire peur au cinéma ?

– Et enfin, est-ce que toi aussi tu es vilain(e) ?

Car oui… Je le sais parfaitement ! Toi aussi, tu peux parfois être un(e) grand(e) Méchant(e) !

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