Salon Virtuality : Le TOP 5 de la VR qui fait du bien

Il y avait un air de « Ready Player One » dans l’atmosphère qui régnait au 104, l’espace culturel du 19ème arrondissement parisien ces 21, 22 et 23 novembre 2019… Un air seulement car le salon Virtuality restait bien loin de l’univers du divertissement que l’on attribue habituellement à la VR. Non, il nous promettait lui un avenir bien plus optimiste et porteur de solutions industrielles. Pour sa troisième édition ce salon international de la réalité virtuelle et des technologies immersives laissait sur ses 3000 m2 d’exposition une part belle à l’innovation dans différents domaines d’utilisation. Nous sommes loin, très loin, d’une projection fantasmatique du futur que le festival de musique Innovasound ou la compétition d’e-sport en VR auraient pu laisser entendre.  Nous sommes dans le futur et les projets d’hier se veulent de toute évidence aujourd’hui technologies de pointe.

Conviée à rencontrer ces professionnels de l’immersion, j’ai pu y faire de belles rencontres et vivre des expériences que j’ai décidé de partager avec vous à travers le TOP 5 de ce qu’il m’a plu de voir. J’avoue m’être très peu intéressée au vidéo-ludique même si j’ai pu apercevoir des choses incroyables de créativité comme sur le stand EVA qui nous avait déjà ébloui lors de la PGW en réveillant notre âme d’enfant à travers son jeu de rôle numérique. Voici donc, cette considération prise et dans mon ordre de préférence d’expériences, mon humble retour sur des stands qui m’auront le plus interpellée et pourquoi.

 

La vie, dans tous les sens du terme,  vue d’un fauteuil roulant

Les argentins UN3 UNTREF, un3.tv, sont des créateurs et développeurs, diffuseurs de contenus audio-visuels de haute qualité, régulièrement primés dans les différents festivals internationaux.

En leur rendant visite je ne m’attendais pas à être accueillie par un fauteuil roulant. On m’invite à m’y asseoir et on m’explique en espagnol que je vais faire une expérience immersive où je vais explorer avec une jeune fille hémiplégique sa sexualité naissante. D’accord, mon espagnol étant mauvais je suis certaine avoir mal compris, et redemande l’explication en anglais. Ah oui, j’avais bien compris. LE sujet traite de handicap, de violence quotidienne que la situation de handicap ramène et des problématiques en lien avec la sexualité chez les personnes concernées.

Je m’installe, suis gênée par les premières scènes érotisées des recherches de plaisir solitaire. Premier constat : la question de la sexualité dérange toujours même quand comme moi on y est exposée au quotidien, cela renvoie à nos éducations judéo-chrétiennes certainement qui nous rappellent que prendre du plaisir c’est mal. Et ce plaisir-là ayant été l’origine de tous les maux de la terre, il est encore plus dégradant de s’y adonner. La question de la sexualité dérange, la sexualité féminine encore plus, moi qui me pensais très ouverte d’esprit je réalise que cette même sexualité d’une handicapée me bouscule considérablement. Et voilà le premier sujet qui est abordé dans ce film d’une qualité artistique exceptionnelle, entre pulsion de vie et pulsion de mort, se pose devant moi en image la légitimité du libidinal.

Très vite l’inconfort s’accentue par l’immersion du handicap et tout s’accélère, les émotions s’éveillent et les questions se bousculent. Le poids du corps mort dans un esprit tellement en soif d’existence et de découverte, la rencontre à l’autre, la révélation de la réalité du handicap, comment se déplacer est plus difficile, comment les petits actes de la vie quotidienne sont plus contraignants. L’immersion n’est pas moralisatrice, non, elle est efficace.

Nous ressentons tous des émotions de cette jeune fille, de ce qu’elle traverse, de ses difficultés. Et le tout fait de cet outil un véritable outil de compréhension pour qui pourrait porter soutien ou simplement partager le quotidien de ces personnes que la vie a abîmé.

Il pourrait être facilement utilisé par des valides accompagnants, aidants naturels, ou juste humains soucieux de comprendre la réalité de l’Autre. Avec ce produit, en plus de nous fournir un support thérapeutique  de qualité, la VR se veut un bel objet de compréhension et même si cela m’a confrontée, j’ai beaucoup aimé ça.

 

De l’opéra à la ZEP en passant par la maison de retraite

Créations VR c’est avant tout la rencontre d’IMAGES Production et IUNGO Production qui ont associé tout le savoir-faire et toute leur expérience pour réaliser des immersions en réalité virtuelle d’une qualité rare. L’objectif : l’accessibilité ! Ils proposent aujourd’hui des films VR pour le spectacle vivant associant danse, musique, opéra et nous invitent à découvrir ou redécouvrir des pièces majeures.

Je rencontre Fabien Robin qui m’invite à pousser la « porte 8 ». Sur une mise en scène de Valérie Lesort pour l’Opéra Comique me voici face à la soprano Judith FA et le baryton Lionel PEINTRE qui incarnent auprès d’elle dans des décors « halloweenesques » les personnages intrigants, effrayants, dérangeants mais plus vrais que leurs natures et plus proches que la scène ne le permettra jamais. Là où j’aurai fermé les yeux pour m’enivrer du lyrique je les garde grand ouverts pour profiter de cette incroyable expérience.

Entourée des musiciens et chanteurs, j’ai la joie d’entendre et de voir jouer Handel, comme jamais. L’émotion est grande, chaque trait du visage des protagonistes me rappelle combien l’art vivant est un lieu expressif et combien je pourrais regretter de ne pas avoir les moyens de m’offrir des billets de première catégorie quand je loue mes emplacements. Je suis au centre de tout, observe tout, me régale de tout et je comprends ce qu’être en scène peut signifier.

Un gros coup de cœur, qui pour moi l’amoureuse de musique, me donne une occasion de la vivre, pour la praticienne qui sait au combien les personnes en perte d’autonomie cela leur manque de contempler l’art vivant et pour le parent que je suis combien il est important pour les enfants d’avoir accès.

L’opéra grâce à ce support se déplace donc dans les chambres d’hôpital, dans les maisons de retraite, dans les salles de classes les plus démunies pour faire découvrir ou redécouvrir à chacun l’art lyrique et pour que chacun enfin puisse entendre avant que la porte ne se referme sur des idées préconçues, que oui l’opéra c’est peut être bien pour lui aussi !

 

L’humanitaire sur le terrain

Qu’il est difficile d’expliquer au quotidien ce que sont les missions des ONG tant les contextes d’exercice, réalités et contraintes de terrain sont éloignés de ce que nous vivons.

Les organismes peinent à faire entendre ce qu’elles font, leur utilité et les conséquences de cette mauvaise compréhension sont lourdes car impactant directement les adhésions et dons et donc ce qui fait l’essence mais surtout ressource.

J’ai été surprise de trouver sur le salon Virtuality un espace dédié à Médecin Sans Frontières. J’ai été surprise de voir qu’un seul casque de réalité virtuelle aussi était sur le stand. Pour être sincère j’ai même pensé que le salon avait ouvert ses portes comme un prétexte à présenter les activités de l’association et en effet très manifestement cela était le cas. Curieuse je me suis arrêtée et curieuse j’ai questionné. Aujourd’hui donc on peut permettre une meilleure sensibilisation grâce à l’exposition à la réalité virtuelle ?

Je doute, je m’attends à visionner un film sur le travail de ses bénévoles qu’on nous présente souvent comme les héros culpabilisateurs des temps modernes. Mais allons-y, essayons…. Oh waouhhhh non je ne suis pas un bénévole parmi tant d’autres, je suis celui à qui on vient en aide, la déchirure poignante de la catastrophe humaine que la guerre fait tomber sur ma famille, l’émotion, les éclats de voix et de bombes, je me réveille.. .Je suis allongée sur un brancard et dans ce flou et ce vacarme, un bénévole pose un bracelet à mon poignet, c’est « claustrophobiant », je vis en immersion ma propre perte et pourtant cet Autre surgit de nulle part me prend, me porte, me secoure et dans ses yeux toute l’émotion et tout le pragmatisme de ce qui fait de ce que je vais rester en vie.

J’ai travaillé avec des associations humanitaires auprès notamment de réfugiés rwandais, des discours de Tutsi cachés dans les fossés pour échapper au génocide, j’en ai entendu, jamais je ne l’avais vu et encore moins vécu que de cette manière là. L’expérience m’a rappelée combien il était difficile d’appréhender la réalité de l’Autre quand on ne voulait pas la voir. Mélanie Klein évoquait la nécessaire identification projective sur laquelle nous nous appuyons pour reproduire cette réalité et pouvoir l’appréhender. Elle la définit comme une identification d’un objet situe à une projection de celui-ci mais aussi comme une reconnaissance de l’autre.

En incarnant cet autre nous y trouvons l’essence de ce qui le caractérise et nous permet donc de le reconnaître. Ici grâce à la VR la projection est double en situation d’être ce Moi blessé j’accepte de laisser à cet Autre la possibilité d’un Moi dans une projection double. L’expérience bien que perturbante laisse rêveur face aux possibilités d’avenir et de déclinaisons possibles. Se mettre à la place de l’Autre et ressentir pour lui ses émotions devient possible et la VR un nouveau médiateur empathique.

 

Masqué, on sauve d’un seul geste

« D’un seul geste » est une entreprise qui nous promet des formations éclaires ou des remises à niveau pour qui voudrait apprendre à sauver des vies. En offrant un support plus accessible et des formations plus courtes et donc par définition moins onéreuses elle entend, sans s’en cacher, une démocratisation des gestes qui sauvent. Le constat est amère car un français sur cinq seulement serait formé au premier secours et moi qui ai fait partie d’organismes comme la Protection Civile je ne peux que certifier que même avec la démarche volontaire de pouvoir apprendre à porter secours, les modalités rendent parfois les choses difficiles. C’est une bonne initiative donc de se servir des nouvelles technologies pour pouvoir rendre accessible ce genre de formation.

Notons que le fondateur est un ancien pompier de Paris et que pour ce qui est de la question de l’immersion celle-ci a été faite avec un réalisme plutôt très poussé. Ce dernier nous permet en plus de devoir gérer l’urgence et d’adapter la rationalité de nos réponses à la situation de gérer aussi tous les contenus émotionnels en lien avec les situations.

C’est plutôt nouveau et bienvenu surtout quand on sait que les premiers gestes sont capitaux et doivent donc être contenus.  Petite explication : pour ce qui sont des réponses humaines nous évoluons face à une situation sur un continuum qui va de l’émotion pure en lien avec ce que nous ressentons et qui nous met en alerte face aux stimulations environnementales, et ce, dans le but d’assurer notre survie en préparant notre corps à interagir; à l’interaction qui nécessite de passer dans l’agir en nous déchargeant de nos émotions pour être efficace. Je vous donne un exemple simple. Si vous êtes témoin d’un accident, ce qui va se déclencher chez vous c’est avant tout la réponse émotionnelle, vous allez cacher votre visage, avoir peur, crier, pleurer. Si vous restez dans cet état vous ne pourrez pas être efficace pour alerter les secours ou prendre en charge la victime. C’est donc de cette confrontation et de la gestion des contenus émotionnels dont il est question ici, en plus de l’apprentissage de ces actes sauveurs.

L’entreprise qui veut développer son accessibilité aux comités d’entreprises et collectivités pour toucher un maximum de population nous promet en 20 minutes de formation en présentielle et 40 minutes d’exposition en réalité virtuelle de maîtriser les gestes qui sauvent. Là où il faudrait des heures pour acquérir ces compétences dans la « vraie vie ». Le petit plus de cette méthode est dans la captation des gestes posés et dans leur étude qui nous renseigneront de savoir si oui ou non ces gestes là seront dans les faits efficaces et de les corriger.

 

Même pas mal grâce à l’hypnothérapie sous VR

HypnoVR n’était pas seul sur le salon à présenter l’hypnose médicale sous réalité virtuelle mais c’était de loin l’expérience la plus aboutie. Il s’agit d’une entreprise spécialisée dans le développement de solutions pour l’anesthésie, le traitement des douleurs, la gestion du stress et de l’anxiété.

Les applications présentées couvrent donc un large spectre de possibilités et de champs d’actions et nous pouvons constater que les utilisations des environnements immersifs sont de plus en plus usités et que cette utilisation là n’en a pas fini de se démocratiser. Nous connaissions déjà l’hypnothérapie et qu’elle soit ericksonienne ou humaniste nous pouvons en tant que psychologues en apprécier les vertus auprès de nos patients.

Nous l’apprécions aussi pour la gestion du stress et de la douleur chez les malades chroniques, et nous la savions employées dans les centres hospitaliers depuis des années déjà. Ce qui change là, c’est l’accessibilité du matériel. Disponible de suite, prête en quelques minutes, se rechargeant des dans des bornes asseptisantes., la réalité virtuelle devient un hypnothérapeute à portée de main et même dans les situations les plus urgentes.

Voilà ce que l’entreprise nous promet et voilà ce que nous pouvons en tester. Dans les faits nous sommes face à des univers hypnotiques différents avec des textes adaptés au problématiques rencontrées.

J’ai testé deux types de prise en charge, celle de la douleur et celle de l’anxiété. Pour la première je suis assez convaincue de l’utilisation de la sensorialité au service du détournement de la douleur pour reconnexion à des sensations plus agréables. Je pense l’outil très approprié pour les petites interventions, peu perturbant pour le matériel psychique.

Pour l’anxiété, je reste sur un avis en demi-teinte et m’interroge sur la fonctionnalité. Est-ce qu’au quotidien un tel matériel peut remplacer un véritable thérapeute sur une prise en charge d’une anxiété chronique et diffuse ? Je ne pense pas que cela équivaut un véritable accompagnement. En revanche ponctuellement pour accompagner un soin cela pourrait en effet permettre de rendre l’instant moins désagréable et soulager un vécu émotionnel parfois encombrant. La réalité virtuelle deviendrait-elle un outil à mettre dans toutes les salles de chimiothérapie ?

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