Nintendo lançait le 15 avril dernier sur le marché un Labo VR sur Switch. Le PEGI est affiché à 7 ans alors que jusque-là la VR était fortement déconseillée aux moins de 13 ans. Une contradiction, ou une avancée ? A l’approche de Noël, nous pouvons envisager que la réalité virtuelle va apparaitre sur bien des listes adressées au gentil Monsieur vêtu de rouge et que ses lutins sont déjà activés à la fabrication des masques. Il apparait important alors de faire un point sur l’utilisation de la réalité virtuelle chez les plus jeunes.
Que penser du VR Labo sur Switch ? Cette dernière présente des contenus diversifiés, créatifs, ludiques, mais ayant tous comme point commun de s’adresser aux plus jeunes. Jusque-là rien d’étonnant dans la mesure où le produit Labo se veut un contenu familial. Nous avons toujours salué d’ailleurs la fonction jouet qu’il resitue à travers la matérialisation de celui-ci. Et là, nous sommes servis : du masque-appareil photo à la trompe d’éléphant, en terme « d’objet jouet » la licence fait la part belle à l’imaginaire (…et non aucun commentaire ne sera fait sur la fonction phallique de cette extension en carton ! ). En bref comme avec les précédents opus, nous jouons en famille. Les parents aident à la construction et les enfants s’en amusent, à moins que ce ne soit l’inverse. Le labo plait pour cela, un peu moins aux parents un peu maniaques qui ne savent toujours pas quoi faire des assemblages en carton qui trainent sur les étagères, mais il a toujours été un support original, ludique et séduisant. Le labo était donc jusque-là un bon, voire un très bon élève, dans la classe du vidéo-ludique.
“Comment les en priver ? En fait la question ne serait pas là, car dans les faits, c’est une certitude ne pas rendre accessible la technologie de demain aux jeunes générations serait un contresens sans précédent.“
Aujourd’hui le géant nous envoie dans un univers plus virtuel, il répond incontestablement à une demande des plus jeunes à pouvoir accéder à cet environnement que l’on envisage de plus en plus comme le support de demain. Comment les en priver ? En fait la question ne serait pas là, car dans les faits, c’est une certitude ne pas rendre accessible la technologie de demain aux jeunes générations serait un contresens sans précédent. Non, la question serait peut-être alors plutôt de se demander pourquoi ? Pourquoi ? La Réalité Virtuelle a-t-elle mis autant de temps avant de tenter de légitimer sa place auprès des plus jeunes ? Pourquoi pouvons-nous encore la penser inadaptée voire dangereuse ? Et pourquoi continuer à poser des avertissements vis-à-vis de son utilisation ?
“Ces deux grands axes étaient physiologique pour le premier et concernant la construction psychique pour le second. C’est pour cette raison qu’il était recommandé de ne pas faire usage de la VR chez les moins de 13 ans. “
Il y avait jusque-là deux grands axes de réflexion qui nous faisaient prendre quelques précautions quant à l’usage de la réalité virtuelle chez les plus jeunes, au-delà du risque de certains contenus de provoquer des traumatismes, comme sur n’importe quel support d’ailleurs. Et nous voyons là avec Nintendo qu’en terme de contenus la question ne se pose pas, ils sont très adaptés aux plus jeunes, limite même pour certains le PEGI pourrait paraitre devoir être revisité. Ces deux grands axes étaient physiologique pour le premier et concernant la construction psychique pour le second. C’est pour cette raison qu’il était recommandé de ne pas faire usage de la VR chez les moins de 13 ans.
Il s’agissait là d’une recommandation, pas d’une interdiction. L’âge avait été plus ou moins fixé de manière arbitraire la légende nous disant qu’il avait été établi sur les recommandations de Facebook en terme de protection des jeunes utilisateurs. Dans les faits, cet âge correspond à une forme d’aboutissement de développement de l’appareil visuel. L’œil est le seul organe qui ne grandit pas depuis notre naissance, mais l’écartement entre les yeux de l’enfant évolue.
Les masques existant étaient pour la plus grande part non adaptés à cette condition. Conséquence directe : une mauvaise expérience VR et une utilisation qui demandait à l’enfant une adaptation visuelle conséquente. Dans la mesure où cela constituait des expériences très courtes et non répétées, pour dire vrai, ce n’était pas vraiment une difficulté (en dehors de l’utilisation de quelques sacs à vomi ). C’était donc la répétition qui posait difficulté car les adaptations successives pouvaient affecter considérablement, et surtout durablement, la vue de nos enfants. Voilà donc ce qui était redouté. Comment Switch a pris en charge cette difficulté ? Comme d’autres petites structures s’étaient déjà penchées sur le sujet et proposent aujourd’hui des produits « adaptés » aux enfants, gageons que ce fut le cas.
“La structure psychique est en quelques mots ce que nous mettons en place entre nous et nos environnements respectifs pour pouvoir y fonctionner.”
Le deuxième volet de la problématique concerne plus le développement psychique de l’enfant et là nous ne sommes pas devant une moindre difficulté. La structure psychique est en quelques mots ce que nous mettons en place entre nous et nos environnements respectifs pour pouvoir y fonctionner en tant qu’individus. Il s’agit donc de tous les procédés, défensifs pour la plupart, que nous mettons en place pour faire face à l’extérieur. Chacun d’entre nous va s’établir dans une forme de structuration, le plus souvent névrotique. Le développement de cette dernière est très en lien avec la plasticité cérébrale de chacun, qui est existante toute la vie mais plus importante avant les 12 ans. Elle diminue avec les années et nous la pensons ainsi beaucoup plus importante encore à 6 ans qu’à 12. C’est donc sur cette période de la vie in utero à 12 ans que nous nous construisons et établissons la base constituante de notre psyché.
“…. l’imperméabilité est moins établie nous prenons le risque de voir se développer des processus de nature plus psychotique qui pourront poser la question plus tard du psychopathologique.”
Jusque-là rien de neuf sous le soleil. Mais, c’est là où les choses se corsent un peu. Les structures sur lesquelles nous devons être plus vigilants sont celles mettant en jeu une certaine porosité des limites entre le dehors et le dedans, le bien et le mal, le réel et l’imaginaire. Quand l’imperméabilité est moins établie nous prenons le risque de voir se développer des processus de nature plus psychotiques qui pourront poser la question plus tard du psychopathologique. Les décompensations psychotiques qui peuvent survenir bien plus tard donnent à voir des symptomatologies peu réjouissantes : déréalisations, troubles dissociatifs, paranoïa, hallucinations, bouffées délirantes pour n’évoquer qu’elles.
“… qu’adviendra-t-il lorsque le masque disparaitra au profit de lunettes voire de lentilles de réalité virtuelle ?”
Nous devons donc éviter de renforcer des appréciations et comportements chez les plus jeunes qui pourraient amener au développement de ce type de structure. Et là le concept de réalité virtuelle chez les plus jeunes pose effectivement une véritable question.
Mais attention, il s’agit d’une précaution d’usage et nous ne sommes pas en train de dire que la Réalité Virtuelle va rendre nos enfants fous. Dans la nature des contenus nous savons qu’un accès à un monde plus ou moins réaliste, où le graphisme va donc prendre une part très importante, va commencer à apporter des éléments de réponse. Un Monde imaginaire, sur-caractérisé par des éléments dénaturalisés, pixellisés, colorés et enfantins, devrait permettre de mettre une distance en théorie suffisamment efficace. De même, la présence de l’objet qui s’interpose entre le dedans et le dehors renvoie au matériel inconscient que oui il s’agit bien d’un jeu, et que les limites sont établies, qu’adviendra-t-il lorsque le masque disparaitra au profit de lunettes voire de lentilles de réalité virtuelle ?
Comme à chaque avancée, les inquiétudes portent sur celles futures. Aussi si Nintendo a réussi à franchir le pas, et semble avoir pris les précautions d’usage, n’a-t-il pas en même temps ouvert les portes de la VR aux plus jeunes de manière trop évidente. Les autres développeurs suivront-ils cette tendance, et ce d’autant plus que le marché est juteux et la demande pressante ?
” Quoi qu’il en soit cela reste à nous parents d’apprécier ce que nous voulons pour le bien-être et le bon développement de nos enfants.”
Quoi qu’il en soit cela reste à nous parents d’apprécier ce que nous voulons pour le bien-être et le bon développement de nos enfants. Doit-on continuer à les priver de ces accès ou au contraire les accompagner pour qu’ils en fassent bon usage ? Le bon sens pourrait nous inviter à les éloigner de la VR jusqu’à leurs 12 ans, dans les faits, nous recommandons de ne jamais exposer un enfant avant ses 7 ans. Si la tentation devenait trop grande, il conviendra alors de bien les accompagner dans ces courtes expériences, en veillant entre autre à leur rappeler l’existence du Monde réel. Pour cela une main sur l’épaule et un petit mot glissé de l’extérieur devraient pouvoir suffire.
Vous voici parents avertis … maintenant à de jouer !
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