Paris Games Week, ce 31 octobre, les allées sont pleines et il devient de plus en plus difficile d’y circuler. Devant les stands, les foules se pressent parfois pour des files d’attente de plusieurs heures en fonction des licences. L’objectif : toucher, voir, jouer sur les titres très actuels et de demain. Parmi les produits annoncés des PEGI plus ou moins affichés, plutôt moins que plus d’ailleurs, pour les PEGI 18. Petite mention spéciale à ce sujet à Cyberpunk qui fait une présentation de 45 minutes de son futur gros succès mais chez qui le PEGI n’était ce matin encore visible nul part. Ce stand n’était pas le seul et bien évidemment cela nous a interpellé chez Psycheclic.
Nous faisons un bref tour de cette file d’attente, interrogeons les jeunes sur leur âge sur leur connaissance du PEGI. 12 ans, 15 ans, « mais on est accompagnés Madame », « 16 ans mais ça va le PEGI est à 18 ». L’hôtesse nous renseigne « Oui ici le PEGI est à 18 ans, mais on laisse entrer à 15 ans en présence des parents ».
“’il est un excellent indicateur pour les parents un peu démunis de connaissances dans l’univers jeu vidéo, peut-être celui de base d’ailleurs.”
Et des parents dans d’autres files d’attente nous en avons rencontrés plusieurs qui pour les uns ne savaient pas ce qu’étaient le PEGI et qui pour d’autres avaient cette réponse universelle du « Mais il demande, Que voulez-vous qu’on y fasse… ? ». Je leur lance un « C’est pas biennnnn !!! » à peine surjoué pour leur faire comprendre que là quelque chose cloche mais que comme tout le Monde, PGW oblige je ne vais pas faire ma rabat-joie et me positionner en donneuse de leçons. Non, un simple « ok renseignez-vous tout de même » suffira, et « surtout que vous vous amusiez bien ». Mais voilà le PEGI, on le discute, même nous professionnels de santé ne sommes pas d’accords. Certains de mes confrères pensent qu’il devrait être supprimé pour ne pas inciter les jeunes joueurs à viser un PEGI supérieur à leur âge physique, d’autres, comme moi, pensent qu’il est un excellent indicateur pour les parents un peu démunis de connaissances dans l’univers jeu vidéo, peut-être celui de base d’ailleurs.
” l’occasion pour moi de refaire un point clair sur ce qu’est ce « Pan European Game information » loin du fameux « oui mais bon tous ses copains y jouent de toute façon…. »”
Le week-end dernier, même constat, nous avions eu mes confrères et moi-même, la chance d’être accueillis au Palais du Jeu et du Jouet de Toulon pour y donner deux conférences autour du thème du jeu et plus spécifiquement du jeu vidéo. L’intitulé reprenait le titre du livre de mon confrère Jean-Paul Santoro « Le Jeu Vidéo, un jeu comme un autre ? ». Le salon accueillait des familles, des adolescents et « des groupes » de copains venus s’amuser mais surtout faire de nouvelles expériences ludiques. Entre bornes d’arcade et Réalité virtuelle, une part belle était faite au jeu vidéo, auprès d’un public intéressé par le jeu et impliqué dans sa compréhension de celui-ci. Un public averti donc, intelligent et réfléchi, mais qui nous a interpellé par sa méconnaissance du PEGI. L’occasion pour moi de refaire un point clair sur ce qu’est ce « Pan European Game information » loin du fameux « oui mais bon tous ses copains y jouent de toute façon…. » que beaucoup de parents tendent à nous faire entendre.
” Le PEGI donne donc à lire cinq catégories d’âge, et huit symboles clairs pour informer sur les dits contenus. A aucun moment le PEGI concerne le niveau de difficulté d’un jeu”
Alors le PEGI, c’est quoi ? Pour faire simple c’est un système d’évaluation qui pourrait ressembler à celui que l’on trouve à propos de l’entité retrouvée sur nos appareils ménagers mais qui vise à informer les utilisateurs et accessoirement l’entourage de ces derniers, sur le type de jeu. Je souligne bien « le type » de jeu là où pour beaucoup le PEGI semble se résumer à une limite d’âge conseillée pour y accéder.
Le PEGI donne donc à lire cinq catégories d’âge, et huit symboles clairs pour informer sur les dits contenus. A aucun moment le PEGI concerne le niveau de difficulté d’un jeu et voilà bien une première idée reçue qui s’effondre.
J’en profite pour rappeler que le jeu doit rester un plaisir et une source de progression et donc de développement du matériel psychique de l’enfant. Il est donc important que le jeu corresponde à ses goûts, y compris au goût de l’effort. Je sais bien qu’en écrivant ces mots le propos pourrait paraitre antagoniste, mais il n’en est pas moins une réalité. Ces symboles sont simples, ils reprennent des cryptogrammes facilement identifiables : discrimination, peur, sexe, langage grossier, jeux de hasard, violence, drogue. C’est donc bien sur les contenus visibles et audibles sur le dit logiciel vidéo-ludique que la question se pose et est évaluée en fonction de la maturité de l’enfant.
” En théorie, la prévention en terme de protection psychique de nos jeunes utilisateurs est donc plutôt bien faite, et pourtant sur les salons et dans nos salons, toujours le même constat le PEGI bien que de plus en plus entendu reste aussi souvent ignoré, pire, il fait sourire “
C’est le SELL, le Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs, qui y met son petit grain de savoir et définit les critères informatifs qui doivent être ceux d’un jeu. Le SELL c’est d’ailleurs eux qui viennent de publier les derniers chiffres des habitudes de consommation du jeu vidéo en France et si vous vous rendez sur leur site vous aurez un bref aperçu de ce à quoi nous ou nos enfants jouons. Sur un marché qui a encore connu un essor de 15% en 2018, autant vous dire qu’il nous faut nous consommateurs être vigilants sur ce qui est fait de ce marché juteux.
En théorie, la prévention en terme de protection psychique de nos jeunes utilisateurs est donc plutôt bien faite, et pourtant sur les salons et dans nos salons, toujours le même constat le PEGI bien que de plus en plus entendu reste aussi souvent ignoré, pire, il fait sourire mais pourquoi ? Nous avons trouvé dans le discours des uns et des autres plusieurs pistes explicatives.
Le PEGI semble pour beaucoup très mal adapté en fonction des contenus auxquels les jeunes utilisateurs sont déjà exposés sur d’autres supports, comme au cinéma, à la TV ou bien encore sur Internet. Pourquoi un PEGI à 18 ans sur des scènes de sexe alors que les images sont bien plus crues sur les publicités qui encadrent les plateformes de streaming ? Nous sommes en terme de violence sur une évaluation qui de toute évidence est également en dessous de ce à quoi nous pouvons être exposés dans certains films, parfois même que nous allons voir en famille. La première explication se cacherait donc dans ce propos et nous serions là devant une réalité autre : l’habituation de plus en plus précoce aux scènes de violence, de sexe ou même d’utilisation de la drogue. C’est donc sur l’ensemble de la société qu’il faudrait pouvoir poser un PEGI et à commencer d’abord par le journal TV que nous regardons en boucle dans nos chaumières.
” Le PEGI apparait comme une restriction, une limite posée par une autorité qu’il faut savoir franchir pour expérimenter “
Deuxième explication : le fait de braver un interdit. Le PEGI apparait comme une restriction, une limite posée par une autorité qu’il faut savoir franchir pour expérimenter quelque chose de plus, de plus grisant, de plus adulte. C’est d’ailleurs cet argument qu’utilise mes confrères psychologues lorsqu’ils prônent le retrait du PEGI. Chez l’individu et, qui plus est à l’adolescence, la limite constitue quelque chose qu’il faut repousser pour mieux se définir. Il est donc naturel de voir ces enfants à la recherche de plus. La règle si elle est sécurisante aussi pour beaucoup devient quelque chose avec lequel on peut flirter. Et puis , ne nous y trompons pas, jouer sur un PEGI non recommandé c’est avoir la côte dans la cour de récré, surtout si tout le reste de la classe y joue. Et là on est plus devant un argumentaire en lien avec un risque d’exclusion voire de marginalisation audible que nous servent parents et enfants.
Mais allons un peu plus loin car là effectivement nous sommes devant les explications qui nous paraissent les plus logiques et que nous pourrions résumer à une classification non adaptée aux réalités sociétales et à l’évolution de ces dernières, et d’autre part, par un besoin pour l’être humain de franchir les interdits et jouer avec les limites.
” Enfin, cela ne tient que s’il sait s’éviter de mauvaises surprises et c’est peut être bien là que le PEGI prend tout son sens.”
Peut-être que la réponse est un peu plus simple en fait, et qu’elle raisonne dans les couloirs de la PGW de manière un peu plus forte, tellement forte qu’on ne peut ne pas l’entendre. Les joueurs présents sont là pour s’amuser, pour se créer des sensations, pour vivre pleinement leurs émotions comme à la maison. Ils veulent juste jouer et naturellement ces derniers sauraient, ou tout du moins penseraient savoir ce qui est bon pour eux ou non. Voilà une certitude que nous pouvons avoir que l’être humain sait ce qui lui faut ou pas et que naturellement tendant vers un équilibre il va éviter toute exposition à ce qui pourrait le mettre en danger. Enfin, cela ne tient que s’il sait s’éviter de mauvaises surprises et c’est peut être bien là que le PEGI prend tout son sens.