Lorsqu’un couple fait face à des problèmes qu’il n’arrive plus à surmonter, la thérapie de couple peut parfois être une solution pour rouvrir un dialogue. L’éditeur Hazelight Studios a pensé que ça serait un bon sujet pour un scénario de jeu vidéo.
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L’annonce de la séparation
It takes two, élu jeu de l’année lors des Game Awards 2021, commence par la présentation des Goodwin. May reproche à son mari Cody de ne pas avoir géré le dentiste de sa fille, il lui reproche en retour de trop travailler. Trop de désaccords les ont emmenés à prendre la décision de divorcer, ce qu’ils doivent annoncer à leur fille Rose.
Cette situation de base est un sujet sensible en thérapie. Lorsque le couple n’est plus heureux mais n’a pas encore pris la décision de se séparer, les enfants sentent inconsciemment ces tensions, et c’est parfois les symptômes qui en résultent qui conduisent la famille chez le thérapeute. Lorsque la décision est actée, quand l’annoncer ? Avec quels mots ? S’il n’y a pas de réponse universelle, il semble important de préciser à l’enfant que l’amour que ses parents lui portent ne sera jamais remis en question, et qu’il n’est pas responsable de la séparation. L’enfant pourra alors commencer à penser la situation.
Pour certains enfants, comme Rose, la réaction première est le déni : « je ne veux pas qu’ils se séparent, donc ils se remettront ensemble ». Rose créé alors deux poupées à l’effigie de ses parents et leur demande de s’aimer toujours, et supplie un livre écrit par un thérapeute de couple, le Dr. Hakim, d’aider ses parents à se remettre ensemble.
En effet, pour l’enfant qui n’est pas encore à même de verbaliser ce qu’il ressent, le jeu (avec des personnages ou des objets) et le dessin sont des médias leur permettant de mettre en scène ce qu’ils vivent ou désirent. C’est entre autres par ce biais que le psychologue peut mener la thérapie.
Mais ici, jeu vidéo oblige, le désir de l’enfant se matérialise dans la réalité : May et Cody incarne leurs marionnettes, et le livre prend vie sous forme d’un joyeux drille qui cherche à tout prix à réparer leur couple. Rappelons que le principe de la thérapie de couple est que les deux personnes soient désireuses d’améliorer la situation. Or, les parents de Rose qui ont d’ores et déjà décider de se séparer, ignorent dans un premier temps les conseils du thérapeute et cherchent à rejoindre leur fille pour redevenir humain.
Coopération et communication
Pour faire face aux nombreux obstacles qui se dressent sur leur route, symboles des embûches d’une vie d’adulte et de couple, May et Cody n’auront d’autres choix que de coopérer. Naturellement, les premières interactions sont teintées de reproches et d’amertumes entre les deux époux. Pourtant, là où le thérapeute mettrait en mot ces désaccords pour tenter de favoriser une meilleure communication, ce sont les situations proposées par le thérapeute loufoque qui symbolisent cette mise en sens. Ainsi, il leur fait revivre leurs premières vacances au ski dans un décor enneigé, ou rappelle à Cody qu’il a mis de côté sa passion pour le jardinage par manque de soutien.
Car le facétieux Docteur Hakim pointe malgré tout des points pertinents dans les thérapies de couple. Par exemple, le fait qu’un couple ait besoin de temps de partage. Le fait que Cody exprime que si sa femme ne prend pas de temps pour leur couple et leur famille, elle perdra tout, fait écho aux propos parfois entendus en thérapie. Ou encore que l’attirance usée par le quotidien peut se raviver. Et également que, parallèlement au duo, chacun a besoin de s’épanouir également dans son individualité par le biais de ses passions. Mais de façon plus générale, il questionne sur les raisons de leur relation, qu’il suppose toujours présentes. On pourrait également citer d’autres concepts comme la bienveillance ou le soutien mutuel.
Et naturellement, tous ces points sont métaphorisés pour en faire des éléments de gameplay ou de level design.
Et ce qui est frappant, c’est la mise en abîme entre la coopération de May et Cody et celle des joueurs qui les incarnent. Ici, contrairement à d’autres jeux coopératifs qui peuvent également être joués en solo, « il faut être deux » pour jouer à It Takes Two, comme l’indique le titre : en écran très souvent splitté, avec un partenaire de jeu dans la pièce ou à distance. Les deux personnages ont des capacités complémentaires, qui changent à chaque niveau. Les énigmes et obstacles ne peuvent être débloqués qu’avec l’action conjointe des deux personnages. Les deux joueurs sont obligés de collaborer à l’oral et aux manettes pour réussir ensemble le jeu. Il est intéressant de voir que, comme dans d’autres activités collaboratives, les enjeux d’une relation peuvent subitement devenir bien plus visibles en jouant.
Mon expérience
Afin de me rapprocher de l’expérience des deux protagonistes, j’ai choisi de faire cette aventure vidéoludique avec ma compagne, moins expérimentée que moi dans le domaine des jeux vidéo. Si le titre est globalement accessible, il peut rapidement devenir plus compliqué pour un novice, notamment dans les sauts entre plates-formes en 3D, ou la gestion parfois capricieuse de la caméra. Nous avons donc dû nous adapter l’un à l’autre, et la communication et l’écoute du rythme de l’autre nous a permis de terminer le jeu.
Mais comme l’aventure a été vécue à deux, je laisse le clavier à ma compagne pour donner son point de vue sur cette expérience :
« Ce fut un partage d’expérience intéressant, les mises en scènes sont drôles, prenantes et très riches en émotions. C’est un joli jeu, il présente de beaux graphismes. Jouer en duo est fort sympathique, cependant le niveau de jeu de chaque joueur peut parfois faire monter les tensions et faire naitre de l’agacement pour chaque partie. »
Conclusion
Alors, It Takes Two est-il un jeu a conseillé aux couples dont la relation est fragilisée ? Bien entendu, cela ne remplacera jamais une thérapie de couple, mais reste en effet une expérience très intéressante.
Sur le plan plus vidéoludique, le jeu réalise l’exploit de changer radicalement de gameplay, de direction artistique et d’univers à chaque niveau, avec pléthore de clins d’œil à la pop culture (un niveau imitant la vue isométrique des « hack ‘n slash » comme Diablo, le pouce en l’air de Terminator 2 etc.)
Une belle surprise, métaphore de la relation à deux, à essayer !