Youtubeur spécialisé dans les JRPG (jeux de rôle japonais), cela fait trois ans que je propose un journal sur le sujet sur Youtube. Et aujourd’hui, j’ai choisi de vous faire partager ma passion pour ce genre de jeux sur Psycheclic.
Table des matières
Introduction
Quand j’emploi le terme JRPG, ça n’est pas dans le sens discriminant comme le pense Naoki Yoshida, le réalisateur de Final Fantasy XVI. En même temps, c’est vrai qu’il y a deux définitions qui reviennent pour le terme. Pour certains, un JRPG, c’est un RPG (Role Playing Game) au tour par tour dans lequel un jeune héros va réunir des compagnons pour aller battre un méchant dieu qui veut détruire le monde, mais ça n’est pas la définition que je retiens.
Pour moi, un JRPG, c’est… un RPG qui vient du Japon. Et quand je dis RPG, c’est autant RPG au tour par tour qu’action RPG, tactical RPG ou dungeon RPG. C’est simplement un marqueur géographique qui signifie d’où vient un titre. Et je veux bien l’étendre au reste de l’Asie puisque les créations chinoises, coréennes ou autres partagent une philosophie commune. J’ai beaucoup plus de mal avec les RPG occidentaux qui se réclament d’inspiration JRPG. C’est comme les mangas. Si c’est fait par un dessinateur français, ça ne peut pas être un manga. Mais ça n’est pas le sujet.
Depuis quelques années, plus les mois passent, plus l’actualité grossit. Je ne suis pas le premier à utiliser ce terme, mais c’est vrai que je le pense de plus en plus. Est-ce qu’on ne serait pas actuellement en train de vivre un nouvel âge d’or du RPG japonais ?
Quel est le premier âge d’or du JRPG ?
Avant d’y répondre, il faudrait définir ce qu’est l’âge d’or du JRPG. Il n’y a évidemment pas de définition officielle mais plutôt un consensus général pour dire que la période 16 et 32 bits, tout ce qui est Super Nintendo et PlayStation, donc grosso modo, le milieu des années 90 jusqu’au tout début des années 2000, est une période où la production de RPG était très active, le succès était au rendez-vous. Et surtout, il y avait une espèce d’effervescence au niveau des idées avec des titres qui partaient dans toutes les directions et qui étaient incroyablement qualitatifs. C’est un âge d’or des JRPG mais c’est surtout de certains studios, Squaresoft et Enix en tête. On parle plus généralement des RPG console mais les RPG sur ordinateurs japonais n’étaient pas en reste, ceci étant, ils sont néanmoins beaucoup moins connus.
C’est une définition avec laquelle je suis à moitié en désaccord. Le succès des JRPG à l’époque de la Super Nintendo, je ne le remets pas en question, l’inventivité par contre, je vais à nouveau citer Takashi Tokita, le créateur de Live a live qui disait :
« De nos jours, les jeux sont très divers, car ils diffèrent par les genres, le cadre et le gameplay. Cependant, en regardant en arrière, j’ai l’impression que de nombreux jeux ont suivi un certain format. »
La nostalgie est mauvaise conseillère. Sur Super Nintendo, on se souvient des classiques, Final Fantasy VI, Chrono Trigger, Earthbound, Super Mario RPG, et j’en passe. Pourtant, Sur Super Nintendo, il y a 136 RPG dont 103 qui ne sont jamais sortis du Japon.
Cependant, il y en a au moins 80 qui ont eu des traductions amateurs depuis donc, il faut relativiser.
Sur la première PlayStation, il y a moins ce problème, sur une centaine de RPG, 80% sont sortis du Japon.
Personnellement, je mettrais la PlayStation 2 dans la période de l’âge d’or. L’inventivité est encore présente, de grandes sagas qui ont commencé sur la génération précédente continuent ou pour certaines, vont y mourir. Et il y a des titres qui sont des tueries incommensurables. Par exemple, je n’échange pas Shin Megami Tensei 3 contre le premier Shin Megami Tensei ou Persona 4 contre le premier.

Cependant, après cette période, il y eut …
Les âges sombres
La période PS3- XBox 360 a fait beaucoup de mal au RPG japonais.
Et la raison est avant tout matérielle. Comme le disait le créateur de jeux Hironobu Sakaguchi lors d’un panel au Magic de Monaco en mars dernier, jusqu’à la PlayStation 2, les développeurs japonais développaient sur du matériel japonais, ce qui leur donnait un avantage certain, puisqu’en cas de problème, il suffit de contacter les constructeurs, japonais, de ces machines. A partir de la PlayStation 3, les consoles sont devenues des petits ordinateurs conçus spécifiquement pour le jeu, ce qui, pour le coup, a donné un avantage aux studios occidentaux qui développaient depuis bien longtemps sur ce genre de machines, et les studios japonais ont dû quasiment repartir de zéro. Donc il a fallu le temps que ça revienne. Je nuancerai néanmoins cela en rajoutant les portables. Autant les téléphones portables, des machines japonaises qui ont pris leur essor à cette période, mais aussi, les consoles portables, la Nintendo DS, puis la 3DS, la PlayStation portable, puis la Vita. Je suis obligé de toutes les inclure puisque les consoles portables sont toujours à cheval sur plusieurs générations de consoles de salon.
Et sur portable, c’était l’orgie. Sur ces quatre consoles, on compte entre 150 et 220 RPG par machine, et pas des mauvais titres. Le tactile, la 3D, bien utilisés, ça permettait des choses intéressantes. On a des Final Fantasy, des Dragon Quest, des Pokémon à ne plus quoi savoir en faire. On a les Etrian Odyssey qui utilisent l’écran tactile à merveille ; sur les consoles de Sony, on a des suites de toutes les séries à succès de la PlayStation 2, ça ne s’arrête plus.
Sauf que, voilà, ça a été compliqué, mais le temps avance et les développeurs japonais ont enfin réussi à maîtriser tous les outils, ils ont toujours des choses à dire et ils reviennent sur le devant de la scène.
On situera la date comme on veut, mais l’année 2017 peut être considérée comme véritable début de ce…

Second âge d’or du JRPG.
En 2015-2016, on en avait déjà les prémices. 2015, Xenoblade Chronicles X, Monolith débarque en disant “on sait faire des open world”. 2016, le mastodon Final Fantasy XV qui est, certes, révélateur des problèmes de développement inhérents à ce genre de projet gargantuesque, mais qui était quand même une sacrée claque dans la gueule, et puis 2017 qui a tout défoncé sur son passage.
Certes, ce n’est pas un RPG, mais je suis obligé de citer Zelda Breath of the Wild qui a été en même temps le chant du cygne de la WiiU et qui a fait vendre des Switchs par palettes. Et puis surtout NieR:Automata et Persona 5. Deux séries qui ont enfin permis au grand public de découvrir le concepteur de jeux Yoko Taro d’un côté et le studio Atlus de l’autre. Et on rajoutera, pas en 2017 par contre, mais un petit truc pernicieux qui a fait connaître au plus grand nombre, un certain nombre de personnages et donc de séries : Super Smash Bros. Les joueurs ont redécouvert Earthbound, un petit peu Dragon Quest, et puis surtout Fire Emblem.
Aujourd’hui, il y a trois machines pour jouer aux JRPG : la Switch, la PlayStation 4 et 5, si vous avez la 5, vous avez tout le catalogue de la 4 qui s’offre à vous, et le PC. Si vous vous en fichez du physique, allez sur Steam, vous avez quasiment le catalogue complet des deux machines, à part quelques exclus.
Et c’est déjà plus qu’à l’époque du premier âge d’or, parce qu’autant la Super Nintendo, il y avait de quoi faire, autant la Megadrive, il y avait beaucoup moins de choix. Même si, en même temps, Sega Europe était beaucoup moins frileux que Nintendo Europe.
Donc trois machines à l’heure actuelle, et Nintendo peut dire merci au covid qui l’a quand même bien aidé dans tout ça. Certes, mais certains disent que beaucoup sont mauvais.
D’une part c’est relatif et d’autre part oui, il y a plus de jeux qui sortent donc forcément, il y a plus de mauvais. Sur Super Nintendo, il n’y avait que des hits ? Non, sur Super Nintendo, il y avait un gros tri qui était fait. Sur 136 jeux, seuls une trentaine sont sortis du Japon et forcément, ça n’était pas les plus mauvais. Sur Switch et PlayStation, il n’y a pas beaucoup d’exclu japonaises.
Et donc, pour avancer vers la conclusion, je dirai qu’on vit une époque formidable.
On n’a jamais eu autant de choix, on n’a jamais eu autant de bons JRPG, on n’a jamais eu autant de facilités à obtenir des JRPG. Ah bah parce qu’à l’époque, le joueur qui voulait un RPG devait l’acheter l’équivalent de 100 €, sans prendre en compte l’inflation, à la petite boutique du coin, qui avait un choix famélique et comme il n’y avait qu’un ou deux dans l’année, il valait mieux le poncer, le jeu. Maintenant, on achète à l’autre bout du monde sans le moindre problème, on achète des imports au canada qui ne reviennent pas cher, des imports japonais qui ont la langue française sur la cartouche ou le disque. On n’est pas à plaindre. Il fallait switcher (modification physique) sa console avant, maintenant, on peut jouer directement à n’importe quel jeu de n’importe quelle zone.
Il y a le choix en termes de quantité et de style. Je suis d’accord qu’à l’époque de la PlayStation, il y avait une certaine effervescence, de la SF philosophique, des RPG aux enjeux écolo, des grandes aventures à la découverte de civilisations disparues, mais aujourd’hui, on en a tellement plus encore. Des action RPG nihilistes, de la fantasy où on combat des monstres qui se sont développés sur des géants, des RPG qui te font vivre la vie de jeunes tokyoïtes. Oui, bon, ok, les Persona, ça fait un bail que ça existe, mais si je dois en choisir un seul entre Persona 1 et 5, le choix est vite vu. Et puis on peut rajouter tout ce qui est d’inspiration JRPG, Undertale, Chained Echoes, j’en passe.
« Oui, mais les RPG, maintenant, ce sont tous des actions RPG ! » me direz-vous.
Les gros triple A, oui. Maintenant, il ne faut pas croire, mais si à l’époque de la Super Nintendo, ils faisaient du tour par tour, c’était parce qu’ils avaient des contraintes techniques. Le tour par tour, c’est moins de sprites. Les action RPG des consoles 16 bits n’allaient jamais très loin niveau scénario. Et puis si tu veux du tour par tour, il y a des tonnes de petits projets qui sortent chaque année, il faut juste voir plus loin que Final Fantasy et Kingdom Hearts.
« Oui, mais il n’y a que des portages et des remasters » ajoutez vous ?
Alors, non ! Il n’y a pas que des portages et des remasters, par contre je concède qu’il y en a beaucoup. Mais il y a deux choses à prendre en compte. Voire trois.
Sur les 6 derniers mois, il y a eu 46 sorties. 18 nouveaux jeux, 9 suites, 19 portages. Où est-ce qu’on place les suites ? Ça se discute, ça n’est pas une nouvelle série, mais ça reste du nouveau contenu. Allez, pour mon argument, je vais les compter avec les nouveaux jeux. Ça fait 27 nouveaux titres sur les 6 derniers mois. Avez-vous fait 27 jeux sur les 6 derniers mois ? Moi non.
Et à côté de ça, ça a des avantages les portages et les remasters. D’une part, on n’a pas tous connu tous les RPG à leur sortie et c’est une bonne chose qu’ils soient accessibles à une nouvelle génération. Qui irait me dire que le remake en H2-2D de Live a live est une mauvaise chose ? Personne, j’espère.

Et puis, il ne faut pas se voiler la face, ces portages, c’est de l’argent facile, mais réinvesti, bon, certes dans la poche des actionnaires, mais également réinvesti soit dans des gros projets chronophages, soit dans des petits projets plus intimistes. Si pour avoir un Paranormasight, il faut se taper les Pixel Remaster, je dis oui tout de suite.
Par contre, il y a un élément dont je ne vais pas parler, c’est le dématérialisé, parce que, mon point de vue a un peu changé avec les années. Je ne suis pas pour le dématérialisé, mais je suis pour le jeu avant tout. Si j’ai le choix entre une version physique, même si c’est plus cher qu’une version dématérialisée, je prends la version physique.
Par contre, voilà. J’en vois souvent qui sont anti dématérialisé au plus haut point. Réfléchissons deux minutes. Il y a des créations que vous avez faites qui vous ont marqué au fer rouge, qui ont eu un impact sur votre vie de joueurs, peut-être même sur votre vie tout court. Imaginez, si vous n’aviez pas fait ce jeu parce qu’il était en dématérialisé, ça serait un peu dommage, non ? Demain, on me dit qu’il y a l’équivalent d’un Xenogears, tout ce que j’aime, des robots, de la SF, quelque chose qui va me retourner le cerveau, même si ça n’est qu’en dématérialisé, peu importe, je fonce dessus.
Bref, il ne faut pas voir ce qu’on a perdu, il faut voir ce qu’on a gagné. De nos jours, on a accès à des titres balayant un large spectre de type de jeux, allant de la petite création indépendante réalisée par une personne seule pendant ses heures de repos à l’immense triple A développé par des équipes gigantesques. A l’époque de la Super Nintendo, c’était plus compliqué de faire la différence entre les petits et les grosses créations. Pour la PlayStation, ça commençait à se voir. Et la PlayStation 2 encore plus.
J’aime les triple A et leur côté film à gros budget qui en mettent plein les yeux, mais j’aime aussi les créations plus intimistes qui ont pourtant une vision d’auteur. La vision d’auteur, il y en avait à l’époque de la PlayStation. Xenogears, c’est un titre d’auteur. La Super Nintendo, c’était déjà plus compliqué. Certes, les Final Fantasy ont des messages, Live A Live avait une vision, mais on a une telle variété aujourd’hui, ça a quelque chose de grisant.
En conclusion, je le reconnais : j’ai découvert les JRPG à l’époque de la Super Nintendo, et j’observe cette période avec un regard attendri, la larme à l’œil, et plein de nostalgie, ceci étant, depuis quelques temps, je trouve qu’on vit notre meilleure vie de joueur, en particulier en tant qu’amateur de JRPG et je suis sûr que nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

L’avenir ?
Et si on parlait un peu de l’avenir. Que ce soit à court, moyen ou long terme, je n’ai pas trop d’inquiétude.
L’année 2023 nous réserve quelques trucs sympas. On a la suite de Breath of the Wild qui est sorti il y a quelques semaines, on a Final Fantasy XVI qui débarque aujourd’hui. On verra bien si Square-Enix a réussi à apprendre de ses erreurs, même si, il faut se faire une raison, les gros Final Fantasy et le tour par tour, c’est quelque chose du passé.
Et puis, il y a un truc que je trouve génial, c’est que de nos jours on a de manière parallèle des nouveaux développeurs inspirés par les anciens RPG du premier âge d’or qui font des choses à leur sauce, et on a en même temps, des anciens développeurs qui reviennent sur le devant de la scène. Pour le pire et le meilleur. Si Koji Igarashi a réussi à plaire aux amateurs de Metroidvania avec son Bloodstained, les retours concernant Shenmue 3 de Yū Suzuki ont été beaucoup plus tièdes. Ça ne m’empêche pas d’attendre Eiyuden Chronicles: Hundred Heroes par Yoshitaka Murayama, le créateur de Suikoden, et je suis extrêmement curieux de voir Armed Fantasia & Penny Blood, respectivement par les créateurs de Wild Arms et Shadow Hearts.

Pour aller plus loin
Découvrir la chronique de Kouryu en vidéo.
Notre vidéo de la première séance de FQJPAMP (Faut que j’en parle à mon psy) sur la collection.