Réseaux sociaux et hystérie collective : Comment le virus se propage ?

A moins que vous ne viviez dans une grotte jusque là, difficile d’échapper aux informations qui fluctuent dans les médias, et donc sur le net au sujet du Coronavirus, que ce soit sous la forme de relais d’informations journalistiques, sous forme d’humour ou sur la forme d’interrogation, la planète et le web s’enflamment sous des airs d’un début de Walking Dead.

Et sans nier l’importance sanitaire du phénomène en cours, nous pouvons nous demander si nous ne sommes pas là devant la certitude que nous allons tous mourir. Quel suspens vis-à-vis de l’avenir de l’humanité….

Comme vous, j’en ai vu passer des choses sur les réseaux sociaux à ce sujet. J’ai ri devant le « même » de Corona, la chanteuse, qui nous disait que l’on était là devant The rythme of the Night, j’ai pouffé aussi en voyant la photo de quelqu’un se préparer en coupant les citrons verts, en référence à la célèbre marque de bière du même nom. J’ai moins ri quand j’ai vu relayé un article disant que le racisme subit par les ressortissants asiatiques en France devenait une forme de violence ordinaire et je ri encore moins quand j’entends mes patients hypocondriaques ne plus oser sortir de chez eux. Quel que soit le contenu, quelle que soit l’intention, nous sommes là devant un phénomène fascinant (tellement d’ailleurs qu’il semblerait que les incendies en Australie se sont miraculeusement éteints…)  mais non nouveau que nous appelons en psychologie l’hystérie collective que les réseaux sociaux semblent, bien plus que supporter, encourager. Alors l’hystérie collective c’est quoi ? Les réseaux sociaux ont-ils une réelle « influenza » sur cette dernière ?`

Quid de l’hystérie collective

L’hystérie vient du grec hustera qui signifie la matrice, ou l’utérus. Voilà pourquoi souvent les femmes sont décrites comme hystériques, alors que dans les faits la prévalence respecte une presque parfaite parité.  En psychanalyse, sur nos approches structurelles, nous la classons du coté des névroses subdivisables en hystérie d’angoisse (hystéro-phobique pour les puristes de la psychanalyse) ou hystérie de conversion. La personne inscrite dans cette structure, qui n’est pas forcément pathologique, est une personne qui va donner à voir que quelque chose se passe d’inconfortable dans son environnement. Son truc à elle, c’est la théâtralisation, en opposition aux névroses obsessionnelles qui sont plus en quête de contrôle. Rien de comparable à la folie, l’hystérie est juste un mode de fonctionnement qui permet de maintenir le matériel psychique dans un état basal suffisant et cohérent de fonctionnement.

L’hystérie a donc ce côté salvateur de garantir une forme d’intégrité psychique quand les processus sont bien contenus.  En bref l’hystérique, il lui faut des crises, il flambe, il se plaint, il donne à voir que ça ne va pas et ça l’aide à aller bien…. Lorsque la charge environnementale « déborde » cela devient plus problémopathologique, oui je sais ce mot n’existe pas mais il résume assez bien la situation. On va voir apparaître alors des angoisses plus marquées, voire  des traits phobiques. Ou bien alors, sur un versant plus théatralisé, le corps va prendre le relais de ce qui va mal pour l’exposer. Cela peut aller jusqu’au développement de maladies. Comment alors ne pas imaginer que dans le cas précis qui nous concerne aujourd’hui nous ne pourrions pas voir apparaître tous les symptômes décrits dans les médias quelqu’ils soient et donc sur les réseaux sociaux.  Ce dernier élément va contribuer à nourrir les aspects phobiques, qui vont alimenter les aspects symptomatiques et qui vont surajouter à l’angoisse de l’autre, vous me suivez …?

 

L’hystérie collective n’a pas attendu les réseaux sociaux pour exister… mais….

Dans l’hystérie collective, nous sommes devant un phénomène de masse où les personnes issues d’un même groupe vont développer une représentation erronée et angoissante d’une situation qu’il partage.

Et là, depuis quelques jours, ce qui est partagé sur les réseaux sociaux, c’est bien cette pensée angoissante qu’un dangereux virus qui a conduit toute une population au confinement. Cela ressemble au premier épisode d’une série de Zombies. Il va falloir isoler l’Autre, le fuir, sinon, nous serons, demain, tous condamnés à mourir dans d’affreuses souffrances. Rien de moins, ni de plus, n’en fallait pour que se propage le virus… sur le Web, peut être bien plus que dans la réalité…. Et de cette propagation virale  naquit la peur collective et les symptômes et donc deux déclinaisons possibles de la forme névrotique sus-citée.  Aller, avouons nous le, un nez qui coule ou une gorge qui gratte cet hiver n’est pas qu’un simple symptôme grippal tel que nous les avons connus ces dernières années… Il y a autre chose sur lequel notre inconscient collectif nous met en alerte… Il y en a eu d’autres mais nous les avons déjà presque tous oubliés. Le problème de cette forme d’hallucination collective c’est qu’elle se heurte à la masse et que la masse ayant toujours raison vous allez, malgré vous,  éjecter d’emblée toute information allant dans le sens contraire à cette dernière.

Comment les réseaux sociaux l’alimentent ?

En revanche si vous parvenez à développer un libre arbitre, les Autres vont vous paraître irrationnels, mais il sera alors tout aussi difficile d’essayer de les convaincre. Nous pourrions imaginer comment et combien internet aujourd’hui participe dans ces faits à l’hystérisation des phénomènes sanitaires du type. Les informations viennent du Monde entier et donc de la source, elles sont fiables puisque « quelqu’un connait quelqu’un qui a vu de ses yeux dans ses contacts quelqu’un affirmer que….. », puis les gouvernements et les médias ne peuvent plus mentir, les informations glanées sur Facebook ou autre réseau social, venant de ceux qui vivent l’actualité…  Puis toutes ces informations accessibles viennent alors cacher l’inaccessibilité programmée des autres et nous nous retrouvons là devant un  biais important, que nous appelons biais de confirmation. Tout ce que nous allons lire, alors, nous contentons là des gros titres, tout, même l’humour qui en découle et qui a pour but de mettre à distance nos peurs, tout va confirmer le danger de la situation, et la véracité des propos.

Tous, alors, y allons de nos petits conseils, de nos informations glanées de ci et de là, de nos convictions et tous allons dans le but de nous sauver nous, plus nous les rependre comme autant de vérités sur la toile. Et ainsi nourrir la peur, et ainsi nourrir l’hystérie et alimenter cette grosse machine qui circule dans les blogosphères diverses et variées. C’est comme si nous devenions tous experts, ne suis-je moi-même pas en train de le faire à l’instant où j’écris ces lignes ?

Voilà ce qu’est l’hystérie collective et voilà comment nous y participons tous à travers nos publications, marques d’humour et autres conseils que nous répandons sans pour autant toujours les appliquer à nous même.  Cela pose une question plus générale devant ce type de phénomène et le réseau qui est sensé nous informer nous désinforme de la réalité et nous nourrit de fausses croyances.

Mais pourquoi le Web accentue-t-il le phénomène à ce point ?

Pour que l’hystérie ai lieu, il faut que la croyance commune s’alimentent, et en cela l’effet de masse des réseaux sociaux joue un rôle important. Il y a peu j’ai fait un test sur mon propre mur Facebook, j’ai écrit « Macron a raison, il faut que cette réforme de retraite passe ». j’ai laissé le message deux heures, personne n’est venu en débattre mais j’ai perdu dix « amis » et ai reçu quelques insultes en messages privés.  Bien mal m’en a pris ! On n’affirme pas une pensée autre que celle que le groupe autorise ! Comme une forme de validation de la manière absolue de penser. Les groupes sur les réseaux sociaux se forment sur ces affinités, comme dans la vie, on écarte qui dérange. Mais de manière publique affichée à tous ces contacts il est plus difficile de dire que l’on peut penser autrement… Alors oui, la politique de Macron, on en pense ce que l’on veut et l’important ici est bien de souligner l’impact des réseaux sociaux sur ce qu’exprimable de la pensée si elle ne rejoint pas celle commune.

Deuxième point qui explique l’importance de la participation des réseaux sociaux sur l’hystérie collective, bien au-delà des effets de masse qu’elle procure, c’est la vitesse de propagation et l’amplitude mondiale de cette dernière. Avant les sociétés pouvaient s’autoriser de canaliser le flux d’information pour en atténuer les conséquences. Si nous considérons l’hystérie collective comme une possibilité que les individus prennent des mesures qui finissent par les mettre en danger, cela avait son importance. L’acte est discutable certes, mais il n’en reste pas moins plein de sens. Cette dimension avec le Web tend à disparaître, le Monde sait tout, tout de suite et qu’importe les précautions à prendre et les mises en danger que cela constitue. Cela pourrait encore ne pas poser problème si les informations étaient vraies et vérifiées, mais hélas, ce n’est pas toujours le cas.

Et si on mettait fin à l’hystérie collective ?

En bref, la précaution est d’usage et vous invite à la vigilance, certes. Je ne sais pas ce qu’est ce Coronavirus, je ne sais pas si ce qui est véhiculé par les uns et pars les autres est vrai. Je ne suis ni biologiste, ni Directrice de l’OMS pour vous dire si oui ou non nous devons nous inquiéter ou pas. Comme vous, je suis une internaute heureuse de pouvoir être informée de ce qui se passe d’un point de vue sanitaire dans le Monde, mais comme vous aussi j’essaye en tant qu’être pensant de prendre de la distance par rapport à ce que partagé sur les réseaux sociaux. Discerner le vrai du faux peut être bien difficile, mais à moi à veiller de ne pas devenir un contaminant comme un autre et d’alimenter les symptômes de cette hystérie collective…. C’est peut-être ça la vraie prévention sur Internet.

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