Micromania VS Psycheclic, résumé d’une Battle Royale

Depuis quelques jours circule sur le net une vidéo virale promue par le géant Micromania au sujet du jeu Fortnite. Cette dernière reprend les conseils du brillant Alex Goude et donne aux enfants les arguments pour convaincre « leurs darons » de les laisser jouer à Fortnite. L’occasion pour nous de faire un point sur ce qu’est ce jeu, de donner notre angle de vue… Et juste ce dernier qui nous est propre…. Alors oui, Fortnite ne reste qu’un « innocent » jeu vidéo mais, est-il adapté à tous les enfants ? Le PEGI est-il en corrélation avec l’âge réel des joueurs ? Le Gameplay est-il si innocent que cela ? Voici la réponse de Psycheclic.com à Micromania. Résumé d’une Battle royale….

La vidéo (très sympa dans sa forme) de Micromania nous renseigne sur ce que les enfants peuvent mettre en avant pour vous convaincre, vous les darons, pardon je voulais dire, les parents de laisser vos enfants jouer à Fortnite. En quelques termes voici le propos tenu et ce en quoi nous pouvons le discuter.

#1 Le Jeu Fortnite permettrait de favoriser le lien social

L’argument d’Alex est simple et dans l’essentiel juste. Pour lui, Fortnite est un jeu qui permet la socialisation pour plusieurs raisons. La première, on joue en ligne avec les copains, avec d’autres personnes et on peut même s’inscrire sur un serveur qui nous permettrait de communiquer dans une langue étrangère et donc de l’apprendre.

En réponse je dirais, qu’aux raisons qui permettent à Fortnite de se hisser au rang des « jeux socialisants », Alex a oublié de parler de la fonction «Partage social ». Le partage social, c’est la possibilité pour tous d’échanger avec les autres membres d’un groupe et de pouvoir ainsi faire valoir son existence au sein de lui. L’exécution d’un pas de danse, l’usage d’un vocabulaire commun mais la création d’une matière culturelle échangeable grâce à ce support connu de tous contribuent à cela. Epic Games l’a bien compris et l’utilise massivement dans sa démarche communautaire (et commerciale). Mais là n’est pas le problème, enfin, si on enlève ce que coûte aux parents l’achat de Tee-shirts et autres produits dérivés. Est-ce si socialisant ? Je suis d’accord globalement avec les propos d’Alex, cela permet en effet d’être en lien sur des serveurs, de jouer avec ses potes, de rencontrer de nouvelles personnes et d’avoir en live « des correspondants » qui peuvent être au bout du monde. En plus on sait que, si on est bon, on va augmenter sa confiance en soi et son rapport au groupe. Ok, pourquoi pas ?

Ce qui pose soucis sur ce jeu c’est bien plus sur l’apprentissage des règles sociales implicites. Fortnite reste un jeu de compétition. Alors apprendre la compétition aux enfants, on est pour ou contre, ce n’est pas un débat, non le hic, c’est dans la manière d’arriver à être le meilleur. Le jeu est une Battle Royale, et dans les faits si le PEGI est à 12 ans, on sait que des enfants bien plus jeunes y jouent, sinon pourquoi trouvons-nous des tee-shirt taille huit ans en boutique ? Ce que nous apprenons donc à ces très jeunes enfants c’est de dézinguer tout le monde pour être les premiers. Cela tombe plutôt mal d’un point de vue psychique (et ce sera la seule minute psychanalytique promis) parce que cela correspond à la période à laquelle l’enfant doit justement faire l’apprentissage par l’intervention de l’Autre d’un frein à sa toute puissance. Là non seulement il n’y a pas de frein, mais sa toute puissance serait rendue plus accessible par un nivellement du jeu à ses compétences rendues possible pour le fidéliser. Et puis entre nous y arriver, s’en sortir, sauver sa peau en poussant les autres de la falaise… Avons-nous envie de ça pour nos enfants chéris ? Ne sommes-nous pas là devant le High Level de l’amoralité ?

 

#2 Fortnite fait de nos enfants des Bisounours qui se déguisent en banane

Dis comme ça, ça fait pas rêver…  Et de plus, en réalité, Fortnite donne un flingue virtuel à nos enfants et leur explique comment dézinguer tout le Monde pour devenir le dernier survivant et donc le vainqueur. L’objectif n’est pas de se déguiser en carotte et d’apprendre la chorégraphie de la danse de l’été.

 

Après cette question soulevée par la volonté de cacher aux parents des contenus potentiellement violents, nous pouvons nous interroger sur le pourquoi le jeu vidéo a souvent été accusé des pires maux de la terre. Je le réaffirme ici : le jeu vidéo ne rend pas violent et des études très sérieuses ont même déjà prouvé l’inverse. Cela peut être même un excellent exutoire à notre activité pulsionnelle. Dans les faits c’est d’une question de prédisposition psychique à cette violence dont nous devrions parler et faire des mises en garde. Mais là, le problème, une fois encore, pour Fortnite même s’il n’y a pas de sang comme dans beaucoup d’autres jeux, c’est plus sur le à quoi sert cette violence ? Et le jeune âge de ceux qui y sont exposés. Mais non, nous ne sommes pas sur l’île aux enfants, ou autre Bisounours City. Loin de là…

 

#3 Fortnite permettrait des développer des aptitudes intellectuelles

Pour ce qui concerne les études faites sur le jeu vidéo et les renforcements synaptiques potentiellement impliqués, rien aujourd’hui ne permet d’affirmer une réelle efficacité. Nous manquons encore de recul et de sujets, de plus les études longitudinales sont rendues difficiles par l’évolution même de la technologie et de notre rapport au jeu. C’est un fait…

Par contre il y a des bases en sciences cognitives et neurologiques qui sont indéniables et nous montrent que nos structures cognitives peuvent du fait de notre plasticité cérébrale, plus importante lors de l’enfance, se renforcer ou s’inhiber. Donc oui, peut-être que cela conditionne certains réflexes, cela peut avoir je veux bien l’admettre aussi un effet sur la mise en place de raisonnements et de stratégies, mais cela peut d’un même élan générer une certaine forme d’impulsivité et difficulté attentionnelle au long cours.

Pour parler vrai, le problème avec Fortnite est ailleurs. Une enquête que j’ai réalisée en octobre (article ici) nous montrait comment Epic a été, pas seulement par moi, mais aussi par de nombreux parents et organismes, pointé du doigt comme utilisant des procédés neurologiques pour induire durablement une dépendance (au risque de voir se faire développer une addiction) chez les plus jeunes joueurs en agissant sur leur plasticité cérébrale.

Le phénomène est simple à expliquer : on renforce les circuits du plaisir immédiat et plus le plaisir est immédiat et plus je vais avoir envie d’y avoir recours. Je connais bien ce phénomène, j’ai eu le même avec la clope que j’ai aujourd’hui substitué avec le chocolat (noir, aux amandes…pour ceux qui connaissent l’adresse de la rédaction). Donc, en somme, en les faisant jouer à Fortnite on formaterait les enfants à la recherche continuelle de plaisir immédiat en les gratifiant par la réussite et on enlèverait toute source de frustration.

Fortnite en ses termes aurait été conçu comme un placard géant rempli de chocolat aux amandes. Et ça, même moi en connaissance de cause, je signerai… Le problème c’est qu’une fois le circuit bien imprimé, cela signifie « Accro un jour….Accro toujours… » et plus le cerveau est jeune et plus cela va être une réalité. Donc en douce que pourrait faire le jeu ? Peut-être rendre nos enfants potentiellement accros à d’autres substances plus tard ? Dans le doute je préfère essayer de vous convaincre de vous en abstenir….

 

#4 Fortnite c’est un gameplay qui envoie vos enfants en balade champêtre

Je suis à cours d’argument sur ce point. Sans voix, il suffit de passer réellement du temps avec vos enfants sur leur jeu pour comprendre que non, ce n’est pas vraiment ça. Le gameplay est doux, très édulcoré je vous l’accorde…  Mais j’invite les parents à aller visionner quelques streams pour qu’ils réalisent ce à quoi jouent leurs enfants. C’est une bonne idée d’ailleurs pour tous les autres types de jeu. C’est toujours bon de s’intéresser à ce qu’ils font, l’idéal serait même s’ils vous y invitent à jouer avec eux..

 

#5 Fortnite permet de réconcilier les générations autour du jeu vidéo

Si le rétrogaming connait aujourd’hui autant de succès c’est qu’il correspond aussi à un besoin intergénérationnel de jouer ensemble… Vous retrouverez tous les tenants et aboutissants du pourquoi du comment dans cet article, signé Jean-Paul Santoro. Alors ou Fortnite glisse quelques clins d’œil aux générations plus anciennes et c’est sympa, mais si vous voulez faire du vrai rétrogaming avec vos enfants il y a tant de supports autres qui permettent une véritable expérience vidéoludique intergénérationnelle.. .Alors : à vos manettes !

Et pour conclure, voici donc ma réponse en images confinées  à Alex et Micromania.

 

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